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JOUR 7 : 1 km à pied ça use, ça use… 25 kms à pied, ça use…

Réveillé vers 7h, je reste quelques minutes allongé confortablement dans mon lit. Je l’emmènerai bien avec moi pour le reste du trek…



Je sonne le clairon vers 7h30. À 9h30, nous sommes prêts à partir. Qu’avons-nous fait durant 2 heures ? Je ne sais pas… Mais j’ai l’impression qu’il s’agit d’une constante. Que nous nous levions à 6h ou 8h30, nous ne débarrassons pas le plancher avant 9h30… C’est comme ça : nous sommes face à une loi temporelle des Highlands. Avant de partir, mes coéquipiers s’allègent de quelques vivres superflus qu'ils déposent au niveau du gîte. Quant à moi, je reconditionne le cidre en cannette que j’ai acheté hier et que nous n’avons pas bu. Pour ce faire, je me suis procuré une bouteille de jus de fruit à la station-service. Ce dernier est infâme, abominablement sucré. J’en propose à chacun, mais je ne convertis visiblement personne et ça se comprend. Je finis par vider le fond de la brique sur l'accotement. Let’s go !!


Nous repassons devant le Kingtail Lodge Hôtel et continuons à remonter vers le nord-est en longeant le Loch Duich. Passé le camping de Morvich, nous quittons la civilisation pour rejoindre le Dorusduain Wood. Nous traversons un premier pont puis débouchons dans une pâture où paissent quelques moutons. Nous empruntons nos premiers passages sélectifs en bois. Le système est simple et ingénieux à la fois. Arrivés à un embranchement, nous choisissons le mauvais chemin… Nous tournons à droite… C'était pourtant clair, j’en étais sûr. « Quand tu ne sais pas où aller, prends à gauche » : première grande loi spatiale des Highlands. Pour une fois, l’erreur ne vient pas de moi. Ça fait du bien. Mac Tarp s'est planté… Il chute soudain du piédestal sur lequel il siégeait. Et, oui, même Mac Tarp peut se tromper : le grand, le fort, le valeureux Mac Tarp. L’agent secret américain est en plein déclin : la fin d’un mythe, l’anéantissement d’une icône, la chute du colosse aux pieds d’argile. Mac Fire, si tu dois agir, c’est maintenant : lorsque ton adversaire est déstabilisé, affaibli…


Nous revenons sur nos pas, un bref détour : 5 minutes à peine, puis nous empruntons le chemin de gauche. Après quelques minutes de marche dans la forêt, nous atteignons un second pont. Il marque la fin de l’étape forestière. Nous rejoignons désormais un sentier étroit et pentu, qui longe le Na sroine d’est en ouest. Le paysage est d’une invariable verdure. Le ciel est couvert. L'ascension se poursuit…


À 13h, nous nous offrons une courte halte sur un plateau verdoyant au nord du Meall Dubh. La grimpette est terminée. Il pèle. Un peu de vent, peu ou pas d’ensoleillement. Nous décidons de continuer.

 

Nous descendons vers les chutes de Glomach. Sous nos yeux, une belle et large vallée, qui se transforme d’un coup, au niveau des chutes, en gorge étroite et abrupte. La transition est brutale et spectaculaire. Les chutes de Glomach le sont également. Nous les rejoignons vers 13h30. Nous nous y arrêtons quelques instants et contemplons avec admiration le paysage. Nous avons faim, tous les 6. Cependant, nous avons un peu moins avancé que prévu. Nous pensions manger au niveau du Loch Na Leitreach, mais nous ne l’avons pas encore atteint. Mettant de côté les revendications exprimées par nos estomacs respectifs, nous poursuivons.


La descente à travers la vallée encaissée est spectaculaire. Elle offre des points de vue magnifiques et grandioses. Le chemin, quant à lui, est somme toute assez scabreux, étroit et glissant… Comme on les aime. Toute notre concentration est donc sollicitée par cette marche à flanc de montagne.



Je profite de la traversée d’un impétueux torrent, au détour du sentier, pour remplir ma gourde. J’y ajoute une pastille. Cette descente va-t-elle enfin se terminer ? Il est 14h15. À un moment ou à un autre, il faudra que l’on s’arrête.


Quelques minutes plus tard, nous apercevons le loch en contrebas… Encore quelques efforts et c’est bon… Nous finissons par le rejoindre à 15h après avoir emprunté un charmant double pont. Il est temps de faire une pause. La distance parcourue ce matin fait débat. Mangeons : une fois repus, nous aurons les idées claires…


Mac Tourb souffre du tendon d'Achille. Ces chaussures sont, semble-t-il, inadaptées à ses pieds. La marche devient pour lui chaque jour un peu plus douloureuse. Il n’est pas certain d’être en capacité de continuer l’aventure. En ce qui me concerne, j’ai les pieds trempés depuis 5 jours. Je ne m’y fais toujours pas. Je finis d’ailleurs par dissocier mes pieds du reste de mon corps. Il s’agit de 2 entités bien distinctes. Mon corps, d’une part, auquel je suis habitué, et d'autre part, mes nouveaux pieds gonflés d’eau et insensibilisés. Je ne sens même pas les ampoules dont j’ai hérité au cours du trek. À mon retour, ils mettront environ un mois pour récupérer totalement.
Revenons au débat : d'après mon topoguide, nous nous sommes déjà farcis un peu plus de 13 km et il nous reste environ 12 km à parcourir. Mac Tarp a une tout autre interprétation de l'ouvrage. Selon lui, nous avons fait pas loin de 18 km ce matin et la randonnée ne fait pas 25, mais 30 km. Nous sommes au moins à peu près d’accord sur la distance restante : 12 km ; dont 2,5 km en terrain plat et praticable. C’est déjà ça de gagné.


Nous quittons notre magnifique spot offrant une vue panoramique sur le Loch Na Leitreach et repartons de plus belle. À l’avant du convoi, je discute avec Nic Zubrowka. Je suis content de partager ce moment avec elle comme j’ai pu le faire l’année dernière sur le GR20. Je suis heureux qu’elle me rejoigne dans ces aventures qu’elle apprécie tout comme moi. J’ai la chance de pouvoir vivre ça avec elle. Elle me confie qu’elle ne participera pas en 2016 à mon truculent trek annuel ; les distances parcourues sont trop importantes. Je ne suis pas totalement convaincu. Elle m’accompagnera encore. C’est certain. Rien de plus certain. J’ajusterai les parcours journaliers s’il le faut. Mais aucun doute, elle sera de la partie.

  


Rapidement rattrapé par Mac Tarp et ses grandes jambes, je remonte, en sa compagnie, la vallée bordée sur son flanc ouest par la Killian Forest. La pente est relativement douce. Le chemin est large et praticable. La vue est dégagée. Mac Tarp me parle de ses passes temps : l’air soft et le parachutisme. Des activités que je connais très peu, somme toute. Cette discussion est de plus intéressante. Il décrit ses passe-temps avec engouement et passion. Ces sports d’adrénaline sont complexes, complets et leur pratique est savamment contée. Au bout d’un moment, les grandes jambes de Mac Tarp ont raison de moi. Il prend la tête du convoi. À l’arrière, Mac Tourb peine avec ses pauvres pieds et ses vilaines chaussures…


Vers 18h, nous atteignons un col large et dégagé. La luminosité est toute particulière. De gros nuages viennent obscurcir l’horizon. La lande qui se dessine devant nous devient soudain triste, morne et légèrement marécageuse… Aurions-nous rejoint le marais des morts ? Mais où se cache donc Gollum ? Aurait-il enfilé son précieux ? Au loin, j’imagine le Mordor, nappé de sombres volutes… On dirait que notre quête touche à sa fin, Boromir.

Après avoir parcouru quelques kilomètres sur le large chemin traversant la sombre tourbière, nous apercevons le refuge !!! Yallah… Victoire. Nous atteignons ce dernier un peu avant 19h.



Nous y croisons un écossais qui séjourne ici, semble-t-il, une bonne partie de l’année. Je l’apprends de mes coéquipiers. L’homme vient s’offrir une retraite spirituelle durant quelques jours, toutes les 3 semaines. Il vit là, seul, au milieu des Highlands, dans ce refuge dépourvu de tout confort. Il va pêcher son poisson au lac, juste à côté. Il lit. Il pense. Peut-être écrit-il. Il alterne ces moments de vie avec des périodes de travail intenses, en mer, sur les bateaux. Il semble avoir une trentaine d’années. Quelque part, j’admire sa démarche, je l’envie. Si j’avais la capacité de vivre plusieurs existences en même temps, je choisirais certainement dans le panel d’en essayer une de ce type. Il y manque cependant la vie en société, l’aspect convivial, festif et enrichissant des rencontres. Et puis, en y réfléchissant, c’est quelque chose qu’on vit seul, qu’on vit pour soi. Ça peut être séduisant durant quelques mois, mais au final, dans ce genre de situation, on ne construit pas grand chose. La solitude le conduit-il à la sagesse ? À la paix intérieure ? Peut être les atteint-il, les développe-t-il facilement ? Son attitude générale semble indiquer qu’il est en harmonie avec lui-même.


Après une inspection sommaire des lieux, chacun s’attribue l’espace vital convoité et s’y projette pour la nuit future. Je choisis de dormir en bas, dans une chambre dotée d’un plafond dont la hauteur est en adéquation avec ma posture naturelle. Mac Midges vient me rejoindre. Les autres squattent l’étage, sous les combles. Ils sont à l’étroit dans une petite pièce, mais cela semble leur convenir. Après que chacun se soit installé, nous passons à l’apéro. Au menu : Cidre, anisette, saucisson, noix de cajou, raisins de Corinthe… Royal ! Nous assistons simultanément au coucher du soleil. C’est simple et beau.


 


Au cours de l’apéro, nous évoquons notre sujet de discussion favori : le trek. Sera-t-on en mesure de le terminer ? Mac Tourb et Mac Fire ne s’en sentent pas vraiment capables ou n’en ont plus trop envie finalement. Mac Midges se tâte également… Finir plus tôt nous permettrait de gagner une journée de plus, sur place, en Écosse. Un jour que l’on pourrait mettre à profit pour découvrir et faire d’autres choses, pour visiter… Il nous reste 40 bons kms à parcourir en 2 jours. Nous en avons fait 25 aujourd’hui. L’étape de demain s’étend sur 24 km. Ça risque d’être compliqué, ça fait 2 grosses journées à suivre. On verra bien. On avisera sur le vif… Personnellement, je serai très déçu de ne pas aller au bout. Évidemment, je me plierai au choix de la majorité, quelle qu’en soit l’issue. Demain, il fera jour. Là, il fait presque nuit et les midges commencent à attaquer.
Nous rentrons dans le refuge pour manger. J’ai préparé des pâtes au thon et au fromage. J’ai mis tout mon amour et tout mon savoir-faire au service de ce plat. Pas question de rester sur un échec… Cette petite recette est une réussite. Un régal d’après mes coéquipiers… Mac Midges indique qu’il me recommandera même auprès de sa sœur, soit ma femme. J’aurai dû enregistrer cette phrase. Une sorte de tirade magique à ressortir lors de chaque préparation culinaire familiale faisant l’objet d’éventuelles critiques de ma douce épouse. Une sorte de joker. Mon talent est enfin dévoilé, il éclate à la face du monde… C’est une révélation. Le début d’un tout nouveau chapitre de ma vie. À nous deux, Lignac !!! Je t’attends Etchebest !!! Façon de parler, bien entendu. J’imagine la bête débarquant dans les Highlands, en kilt, prêt à me botter le derrière… Bon, ne nous emballons pas trop… C’est juste des pâtes au fromage.
Chef la recette :
  • 1 kg de pâtes,
  • De l’huile d’olive,
  • Du sel,
  • 2 boîtes de thon,
  • 200 gr de fromage anglais dont j’ai oublié le nom (un mélange de saveur du type : parmesan et comté, en moins sec)
  • 100 gr de préparation fromagère déshydratée,
  • quelques midges kamikazes pour assaisonner le tout.
Faire chauffer l’eau. À ébullition, intégrer les pâtes. Baisser le feu, pour une meilleure cuisson. Saler, huiler. Lorsque le volume d’eau a diminué de moitié et que les pâtes sont presque cuites, incorporez le reste des ingrédients. Mélangez le tout. C’est prêt, dégustez !!


J’avoue, la recette est très technique. Mais ne vous découragez pas… Elle est à la portée de tous…

Le repas avalé, nous dégustons une petite Zubrowka. Nous discutons brièvement avec notre ami de Glasgow. Je le chambre sur sa ville. Nous nous méfions de lui : les habitants de Glasgow sont tous des tueurs, ils manient l’arme blanche à la perfection. Je lui indique que nous sommes venus en paix, nous ne le contrarierons pas. Bien heureusement, il saisit mon humour et le prend bien. Nous parlons encore un moment, puis nous rejoignons nos couchages respectifs. Ce soir, je dors avec Mac Midges. Enfin, à côté de lui, dans la même pièce. Après avoir discuté comme un petit couple, nous nous endormons…

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