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JOUR 8

1 jour, 1 étape… Ce soir, nous avons prévu de rejoindre le refuge de Maganu. Nous commençons notre journée par une marche dans un univers très rocheux et très venteux. Nous sommes au cœur du GR Nord. Partie, la plus dure, la plus inhospitalière, la plus accidentée… Nous passons de l’autre côté du flanc de montagne. Le vent s’estompe… Nous retrouvons notre soleil. La vue est splendide. Nous sommes sur le sommet d’un immense cirque. Les arêtes qui constituent le pourtour de ce dernier sont effilées, ciselées et définitivement dépourvues de toute végétation. Deux magnifiques lacs ornent le paysage que nous contemplons. Ils sont superbes, d’un bleu azur et intense. On a envie de se jeter dedans. Des névés colonisent les zones d’ombres les bordant.


Nous traversons un passage délicat. Il nous faut gravir une falaise abrupte en franchissant un goulet étroit et dangereux. Nous nous servons de la chaîne ancrée dans la roche pour escalader la paroi. C’est impressionnant… C’est de la fiente de moineau à côté du cirque de la solitude… Un échauffement. Nous y parvenons tout de même, non sans émotions.


La randonnée se poursuit. Les dénivelés sont importants. Le paysage est minéral. Nous nous arrêtons en début d’après-midi pour déjeuner au bord d’un lac. Nous quittons la rocaille pour retrouver la verdure. Vince sort une énième boîte de sardines. Ce dernier nous cache quelque chose. Il doit forcément détenir quelques actions dans une fabrique de sardines, en Bretagne. À moins qu’il s’agisse de sardines tombées du camion ? Son sac regorge de boîtes de sardines, de toutes sortes… Il doit en avoir au moins une quinzaine, voire une vingtaine. Chaque repas est célébré sous le signe de la sardine. Ce trek est une ode à la sardine… La sardine au vin blanc, la sardine à la moutarde, la sardine à l’armoricaine, la sardine au citron, la sardine tomate, la sardine à l’huile, bien sûr, évidemment, un grand classique… J’en passe et des meilleurs. Une boîte de sardines pèse à peu près 125 grammes. Il doit en avoir une vingtaine. Son sac contient donc 2,5 kilos de sardines. Je n’en reviens toujours pas.



Nous descendons vers le refuge de Manganu. Nous passons par de jolies tourbières. Ce paysage nous offre un peu de variété, un peu de verdure. Marcher sur ce sol spongieux est un vrai délice pour nos articulations. Les tourbières sont constituées d'étroites dépressions gorgées d’eau. Ce sont de petites mares très profondes. Elles ponctuent la vaste prairie. S’aventurer tôt le matin, à la nuit tombante, ou par temps de brouillard, sur ce secteur pourrait s’avérer dangereux : un faux pas et, plouf…

Nous rejoignons Manganu en fin d’après-midi. Il fait beau, le paysage est sympa. Pour une fois, nous n’arrivons pas trop tard au refuge. Ça fait du bien. On pose les tentes. Nous prenons le temps d'une bonne douche… Froide, of course. Je prête ma brosse à dents à Ly. Je la passe déjà à Vince qui a oublié la sienne le premier soir au camping avant de commencer le GR. La mutualisation est à son paroxysme. Nous échangeons même jusqu’à nos bactéries buccales… Nous y survivrons !!

Ly me confie s’être fait voler sa brosse à dent par un renard… De prime à bord, son histoire n’est pas crédible… Je la suspecte de vouloir, tout comme Vince, utiliser mon magnifique ustensile, qui doit très certainement et à mon grand étonnement, posséder de très nombreuses vertus, peut-être même des pouvoirs insoupçonnés… Pouvoirs que je n’aurai, moi-même, pas décelés… Étrange, étrange. Je me brosse les dents avec attention. Prêt à me voir investi, d'un coup, des superpouvoirs qu’elle semble conférer… Contre toute attente, rien ne se passe.

Ly me raconte le vol de sa brosse à dents. C’est une histoire des plus rocambolesques, des plus ébouriffantes. Elle est avec son amie. C’est son deuxième jour de randonnée. Elles sont sur le point de s’endormir. Elles campent un peu à l’écart du refuge. Ly entend soudain du bruit dans sa tente. Quelque chose ou quelqu’un est en train de fouiller devant l’entrée de cette dernière… Elle décide courageusement de sortir, armée d’une lampe torche et d’un couteau. Elle tombe nez à nez avec un renard. L'animal a repéré le saucisson qu’elle a laissé sous l’auvent à proximité de sa trousse de toilette. Ly s’agrippe au vanity qui s’est accrochée au saucisson par inadvertance. A l'autre bout, goupil se cramponne fermement à la cochonnaille. Il aura le dernier mot. Il emporte le lot incongru avec lui. Renard sauvage, certes, mais des plus civilisé à certains égards. Il a vite compris l’importance que revêt l'hygiène en milieu naturel. Rien de tel qu’un bon coup de brosse à dents après avoir dégusté un peu de charcuterie… Cela va de soi… Morale de cette histoire : Si tu te risques à laisser ton saucisson sous l’auvent, prend garde à ne pas y attacher ta brosse à dents…

Je confie ma brosse à dents à Ly… les séquelles de cette terrifiante aventure sont prégnantes. Par la suite, j’essayerai chaque soir d’éloigner au maximum, victuailles et affaires de toilette… Question de principe et de respect de la mémoire collective.
Selon Ly, les sangliers sont très présents au niveau du refuge de Manganu. Elle appréhende la nuit à venir. Elle souhaite s'installer au plus près de ma tente dans l’espoir que je puisse la protéger de ces derniers. Je lui indique que je ronfle et que la qualité de son sommeil risque de s'en trouver, quelque peu, altérée. Elle me convainc presque : mes ronflements feront fuir les sangliers… Elle a fait son choix.

Nous profitons longuement de l’apéro. Le soleil est agréable. On fait péter la Pietra et les cacahuètes tout en jouant au Yam’s. On discute avec un couple d’anglais à côté de nous. On passe un très bon moment.


Puis nous allons manger. L’eau chauffe lentement. Vince a soudain une idée digne de la famille Pierre à Feu. Il recouvre la casserole d’un énorme bloc de pierre. C’est le principe du couvercle. Le concept est judicieux, ça fonctionne. Il a retrouvé son instinct bestial, son instinct d’homme des cavernes. Les sangliers n’ont qu’à bien se tenir… Vince mange ses deux kilos de féculent comme chaque soir. Il est à peine rassasié. Mais il n’est pas venu seul. Son pote Jean Pierre, le ver solitaire est très certainement de la partie. Je ne vois pas d’autre explication… Le ténia serait-il friand de sardines ? Ceci expliquerait cela…


Nous passons une bonne nuit. Je ronfle. Aujourd'hui, j’ai la permission… On m’y a presque encouragé.

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