Il est 5h et je m’éveille, il
est 5h h et je n’ai pas sommeil… Le jour se lève à
peine. L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt…
La bonne nouvelle, c'est que l'avenir est mien. La mauvaise c'est que
je ne vois pas trop quoi en faire. À 5h15, j’ai deux
certitudes : la journée sera longue et le soleil est
matinal dans les Highlands en cette période. Je tourneboule
dans ma tente. J’ai assurément 4h d’avance sur une heure
de réveil acceptable pour ma sœur… 4h à combler.
J’ai faim. Je mange quelques céréales sans lait.
C’est sec au fond du palais, mais ça contente mon estomac.
Étape 2, réparer mes lunettes. Avec quoi ? Je me
sers d’une boule quies en cire. Je la chauffe entre mes doigts et
l’applique sur le verre. J’y incruste la branche. Ça tient
à peu près. J’ai mal au crâne. Assurément,
je n’ai pas assez dormi. J’essaye de trouver le sommeil et de me
détendre. À 6 h 30, je sors pour satisfaire aux besoins
naturels… Satanés midges. Lorsque tout sera mort sur terre,
lorsque la civilisation s’effondrera et que les radiations
nucléaires régneront en dignes héritières
de notre bêtise, ils seront là : grands vainqueurs
de la nouvelle donne… J’en suis presque persuadé. Mais
nous n’en sommes pas encore là. Je rentre dans ma tente et
commence à penser à un plan d’action. Nous sommes le
dimanche 16 août 2015, il est 6h30 du matin et nous sommes dans
un tout petit village des Highlands : Mes objectifs :
imprimer l’itinéraire de notre trek, trouver un moyen de
transport fiable entre Fort William et Glenfinnan pour nos 4
coéquipiers. Je sors de ma tente : Banzaï !!
Je me dirige vers le point de départ
de notre randonnée. J’ai remarqué la présence
d’un bâtiment de type « office du tourisme »
à proximité de ce dernier. Après avoir parcouru
quelques mètres, je me rends compte que les nuées de
midges s’étiolent, s’atténuent et finissent par
disparaître. Le secret : rester en mouvement.
L'établissement n’ouvre ses portes qu’à 9h. J’ai
donc encore 2 bonnes heures à tuer. Une petite voix me dit :
Mais qu’est-ce que tu fous là ducon ? Vas te recoucher et
reviens aux heures ouvrables. Cet office du tourisme constitue une
opportunité potentielle d’imprimer notre itinéraire.
C’est noté. Les plaquettes apposées sur la vitre en
devanture font état d’une ligne de chemin de fer entre Fort
William et Glenfinnan, ainsi que d’une gare à un peu moins
d’un kilomètre. Je décide de m’en rapprocher. Au
bout de quelques minutes de marches, je rejoins le quai
d'embarquement. Je repère les horaires. 2 trains au départ
de Fort William pour Glenfinnan ce matin : l’un arrive à
10h40, l’autre à 11h50… Que faire désormais ?
Il est un peu plus de 7h. Alors que je m’apprête à
retourner au campement, une femme sort de la guérite qui me
semblait pourtant inoccupée. J’essaye d’entamer la
conversation dans le but de lui demander si elle dispose d’un
quelconque moyen d'imprimer notre itinéraire. Elle m’envoie
bouler sans délicatesse. Est-ce mon niveau d’anglais plutôt
faible ? Est-ce ma difficulté à trouver mes mots ?
Est-ce le look tout pourridge que me confère cette boule quies
collée sur mes lunettes ? Peut-être les 3… Je ne
saurai le dire. Peut-être est-elle tout simplement conne ?
Le con est international, universel, non ? Je le confirme, j’en
témoigne : il en existe en Écosse, comme partout
dans le monde. Pour clore la discussion, elle m’indique qu’il
nous sera impossible d’imprimer l’itinéraire aujourd’hui.
Nous sommes dimanche, tout est fermé. Il faudra patienter
jusqu'à demain et cela ne pourra se faire qu’à Fort
William. Sur ces derniers bons conseils, je décide de quitter
cette personne à l’aura rayonnante et débordant
d’optimisme!
Il est un peu plus de 7h30 lorsque
j’arrive au campement. Je commence à ranger mes affaires.
J’attends 8h pour réveiller Nic Zubrowka. Je lui fais le
rapport de mes investigations matinales tout en me battant contre nos
indécrottables amis qui passent allègrement à
travers les mailles de ma moustiquaire de tête. Nous terminons
de paqueter notre fourbi et plions bagages. La présence des
midges nous contraint à conserver une cadence soutenue dans le
déroulement de cette action. J’envoie quelques messages à
Mac Midges pour le tenir informé des horaires de train et
de la nécessité impérieuse d’imprimer
l’itinéraire à Fort William. Il est presque 9h. Nous
nous dirigeons vers l’office de tourisme dans l’espoir de trouver
une âme charitable et une imprimante. C’est Nic Zubrowka qui
est chargée d’effectuer la demande. Je reste à
l’extérieur du bâtiment. La boule quies collée
sur mes lunettes pourrait facilement me discréditer auprès
de l'hôtesse d'accueil ou de nos hypothétiques
interlocuteurs. Ne prenons pas ce risque. Nic Zubrowka me rejoint
devant le sas d’entrée. Nous essuyons un énième
refus… Sans commentaire.
Je reçois des nouvelles de Mac
Midges. Ils sont à Fort William, au Mac Do. Je lui fais part,
à nouveau, de la nécessité d’imprimer
l’itinéraire. Je lui indique que nous les attendrons à
la gare. Je coupe mon téléphone. Je n’ai presque plus
de batterie. Après quelques minutes, Nic Zubrowka et moi
décidons de rejoindre la gare. J’ai repéré un
salon de thé à proximité de cette dernière.
Nous pourrons nous y installer en attendant la fine équipe…
Le restaurant nous ouvre ses portes. Il
est original. Il s’agit d’un ancien wagon aménagé.
La transformation est plutôt réussie et le concept est
intéressant. Le cuistot est sympathique. Il m’autorise à
brancher mon téléphone sur une de ses prises
électriques et me fournit même le chargeur. Nous nous
installons sur la terrasse panoramique et commandons un Scottish
Breakfast : moment de repos et de délectation
appréciable… Au menu : bread, ketchup, eggs, bacon,
black pudding, peppermint tea et dessert chocolaté et sucré
à souhait... Ça fait du bien. Il ne s'agit que d'un
ressenti, mais en cette matinée, j'ai l'impression d'attirer
les regards, d'aiguiser la curiosité des uns et des autres.
Mes binocles y sont très certainement pour quelque chose :
modèle unique et novateur, un tantinet singulier. Une petite
fille m'observe avec attention à travers la vitre du wagon. Je
lis presque sur ses lèvres : « Maman, qu'est
ce qu'il a sur ses lunettes le monsieur ? » Réponse
de la maman : « C'est rien ma fille. Arrête de
le regarder. Tu sais, il y a parfois de drôles de personnes qui
font tout pour se faire remarquer. » Il est 10h35. Je me
rapproche du quai de la gare, prêt à accueillir le reste
de l'équipe. Ils doivent théoriquement arriver à
bord de la « jacobite », locomotive à
vapeur rendue célèbre par le film « Harry
Potter »... Je m'apprête donc à voir
descendre, de l'un des wagons, Mac Midges accompagné d'Harry,
Ron et Hermione. Il n'en est rien... Aurait-il été
téléporté au royaume des Moldus ? Satanée
locomotive... Mac Midges m'adresse un message : ils ont loupé
leur train. Ils envisagent de prendre le prochain, celui qui arrive à
Glenfinnan à 11h50. En revanche, ils ont l'itinéraire...
Cool, sauvés !!! Confortablement installés, nous nous
voyons dans l'obligation de prolonger notre pause petit-déjeuner...
Après une heure d'attente, le
débarquement a enfin lieu.
Les retrouvailles sont plaisantes,
chargées en émotions et anecdotes. Mac Midges et ses
compères ont imprimé le descriptif de la randonnée,
en noir et blanc, à l’office de tourisme de Fort William.
Par sécurité, Mac Tarp a acheté le topoguide du
trek au même endroit. Il est midi. D’un commun accord, nous
décidons de débuter enfin notre périple. Cette
première étape : Glenfinnan to A Chuil, s’étend
sur 19 km. Il sera difficile de les parcourir dans la journée,
nous en sommes conscients. Nous sommes résolus à
marcher autant que possible. On verra bien. On fera au mieux.
Nous passons le viaduc de Glennfinan :
bel ouvrage qui surplombe la combe que nous traversons. Il est
composé de nombreuses arches. Elles sont colossales. Le
monument a également connu son heure de gloire via le film
« Harry Potter ». Est-il empreint de magie ?
Peut-être. Une chose est sûre, la vallée qui se
découvre à nous a quelque chose de mystique :
somptueuse, luxuriante, verdoyante. Un bémol tout de même,
la route asphaltée que nous empruntons et les pylônes de
distribution d’électricité viennent ternir le
panorama. Nous croisons une voiture. Pour la déconne, nous
simulons le stop. Le 4x4 s’arrête. L’homme descend du
véhicule et commence à discuter avec nous. Il est le
gardien d’un refuge situé à quelques kilomètres.
Il a un look bien soigné et typiquement écossais. Le
gentleman porte de longues chaussettes certainement constituées
de fil d’Écosse. Ces dernières sont assorties au kilt
et au polo. Nic Zubrowka, qui se coltine les deux bouteilles de gaz
achetées à Fort William, saute sur l’occasion, et non
sur l'honnête homme, pour lui proposer d'acquérir l’une
des bonbonnes. En tant que gestionnaire de refuge, il trouvera
facilement un moyen de la refourguer. Après une courte
négociation entre le gentleman et Nic Zubrowka, la recharge
est vendue à bon prix, pour le plus grand plaisir de sa
propriétaire. Nous poursuivons notre marche. Je n’apprécie
pas vraiment la randonnée sur route. Cependant, cela comporte
quand même plusieurs avantages. Il est plus facile de
contempler les paysages et nous avançons rapidement. À
la croisée d’une rivière, nous quittons l'asphalte.
Ça y est, le véritable trek débute…
Nous commençons la grimpette
pour rejoindre un col situé à quelques kilomètres.
La montée est assez raide. Elle dure surtout un certain temps.
Le ciel est couvert, mais les nuages filent vite. En quelques
secondes, les paysages passent de l’obscurité à la
lumière. Dans le jeu qu’il entretient avec la troposphère,
le soleil perce, ça et là, le manteau ouateux, nous
laissant apprécier le même paysage de différentes
façons avec l’impression de sans cesse y découvrir
quelque chose de nouveau. Nous continuons notre ascension pour
arriver finalement en haut du col, non sans quelques efforts.
Nous marquons une pause. Le vent
souffle. En quelques minutes, nous sommes totalement refroidis. Nous
passons de la surchauffe et de la sueur, aux frissons et à la
chair de poule. Nous en profitons pour faire le point. Il est 16h et
nous avons bien avancé. Nous avons presque parcouru la moitié
de la distance initialement prévue pour cette journée,
soit 9 km environ. Boucler l’étape aujourd'hui semble
encore jouable… À voir. Nous partons ragaillardis et
commençons notre descente vers une vallée verdoyante.
Nous apercevons un couple de
randonneurs. Ils arrivent tout droit du vallon que nous devons
rejoindre. Nous venons à leur rencontre pour entamer la
discussion. Ils nous croient perdus. L’homme parle plutôt
bien français, il emploie même un registre assez
soutenu. Ils étaient en voiture avec un couple d'amis. Ces
derniers les ont déposés au bord de la route, et depuis
ils marchent… C’est louche tout ça… Nous cacheraient-ils
quelque chose ? Une engueulade qui dégénère.
Le couple d’amis, excédé, les exhorte à
quitter le véhicule. Ils se retrouvent paumés, sans
ressources, au milieu des Highlands. Voilà, la véritable
histoire. Il pourrait s’agir de la vérité. C’est ma
vérité, celle qu’il me plait d’imaginer. Peu
plausible, certes, mais bien plus rocambolesque, bien plus exotique,
bien plus surprenante. Alors que nous nous apprêtons à
les quitter, ils nous alertent au sujet de la zone que nous allons
bientôt traverser. Le qualificatif « Difficile »
résonne sur les versants des collines environnantes, comme
pour conférer à cet adjectif encore davantage
d’importance…
La vallée est magnifique. Elle
est traversée en son centre par un petit cours d’eau
méandriforme. Le terrain est humide. Il l’est de plus en
plus. Le "splotch – splotch" régulier créé par
le contact entre nos chaussures et le sol vient rythmer notre
descente. Il est la timide et éphémère trace de
notre passage dans cet univers silencieux et spongieux. En fait, la
rivière ne se situe pas uniquement en fond de vallée.
En réalité, elle est partout. Nous sommes dans son lit
superficiel. La vallée est son lit superficiel. Nous ricochons
sur l’eau. Un Moïse revisité, en short et en t-shirt,
pourfend, en chef de file, la masse aqueuse et uniforme.
Non, nous ne marchons pas vraiment sur
l’eau. Nous traversons une tourbière. Nous le découvrirons
plus tard, mais la région des Highlands est une tourbière…
Une tourbière géante. Une tourbière qui vaut le
"détourbe", sans aucun doute… C’est maintenant clair, la
tourbe nous "entourbe". Ce spectacle est tout bonnement tourbillonnant…
Un peu de culture
générale. Zoom sur la tourbe (wikipédia) :
La tourbe se définit comme produit de la fossilisation de
débris végétaux (dits « turfigènes »,
comme diverses espèces de sphaignes par exemple) par des
microorganismes dans des milieux humides et pauvres en oxygène
- que l'on appelle tourbières - sur un intervalle de temps
variant de 1 000 à 7 000 ans. Si, à
cause de son enfouissement, la tourbe est soumise à des
conditions particulières de pression et de température,
elle se transforme, au bout d'une période de l'ordre du
million d'années, en charbon. La
tourbe peut ainsi être considérée comme une étape
intermédiaire à la formation de charbon. Séchée,
elle donne un combustible brun à noirâtre qui chauffe
moins que le bois et le charbon.
Peu à peu, les nuages se
dissipent. En cette fin d’après-midi, le soleil a gagné
sa bataille. Radieux, il illumine les vallons verdoyants, les berçant
d’une tiédeur affectueuse, leur communiquant sa majestueuse
luminosité. Ce spectacle est le plus simple et le plus beau
qui soit, magnifique par nature…
Nous nous égarons un moment dans
les hautes herbes. Nous avons perdu le chemin. Encore eut-il fallu
que l’on ait pu lui attribuer ce qualificatif… Bien grand mot que
chemin. Mac Midges trouvera quelques jours plus tard la juste
dénomination : Zone longiligne subtilement moins
végétalisée… La subtilité en cet
endroit est à peine perceptible. J’escalade quatre à
quatre la colline qui surplombe la rivière. D’un coup, ma
jambe s’engouffre intégralement dans le vide, enfin dans la
tourbe. Drôle d’effet, surprenant, singulier. Je ralentis le
rythme et vérifie mes appuis. Une fois le sommet du relief
atteint, j’aperçois le chemin. Je redescends et indique la
route à mes coéquipiers restés en contrebas.
Nous poursuivons notre marche.
Arrivés à proximité
d’une rivière, nous empruntons un pont qui nous dirige vers
l’orée d’une forêt. Nous devons traverser cette
dernière pour boucler l’étape. Il est 18h30. Nous
avons passé plus de temps que prévu dans cette vallée.
Nous avons découvert la tourbe, sol difficile. À vue de
nez, il nous reste un peu plus de 4 km à parcourir. La
journée n’est pas terminée…
La forêt est belle, particulière.
Les mousses, sphaignes et lichens sont omniprésents et très
développés. Beaucoup de sujets semblent en fin de vie,
rendus à un stade de décomposition souvent avancé.
C’est la première fois que je rencontre un tel biotope. Elle
fera une jolie tourbière dans quelques milliers d’années.
Tourbe colonisatrice, évolution naturelle d’un écosystème
unique. Nous traversons la forêt enchantée. Nos pas, nos
échanges, nos actions sont atténués par la
végétation qui nous entoure dans cet univers feutré
et magique. Je serai à peine étonné de croiser
une sorcière au détour d’un virage. Il ne manquerait
plus qu’un petit filet de brume et quelques hurlements de loup pour
parfaire cette ambiance… La forêt ensorcelée, la forêt
de Chertourb…
Nous rejoignons une large piste qui
contourne un flanc montagneux boisé et qui doit nous mener
vers un autre vallon.
Après une heure de marche, nous sortons
de la forêt. Nous débouchons sur une jolie plaine
baignée d’un soleil crépusculaire. Nous percevons une
très agréable mélodie : le son d’une
cornemuse résonne dans la vallée… C’est tout
simplement magique, indescriptible. Il est là, fier et
puissant, William Wallace, traverse la vaste étendue, à
cheval, en trombe, suivi des clans écossais réunis,
prêts à combattre avec bravoure les troupes anglaises…
En contrebas du chemin, j’aperçois
une maisonnette. Il est presque 20h. Mon intuition me pousse à
rejoindre la bâtisse. Peut-être s’agit-il d’un
refuge… Nous tentons le coup. Quelques minutes plus tard, nous
passons le seuil de la porte : A Chuil Bothy… Le soulagement
se lit sur nos visages.
Le bâtiment est simple et sobre.
Un couloir central dans le prolongement du sas d’entrée
sépare les 2 pièces à usage identique. Nous
choisissons celle de droite : quelques chaises, une cheminée,
deux étagères rudimentaires, des fils à linges.
L'âtre accueille déjà un petit tas de bois et du
journal. Il nous suffira de craquer une allumette.
Accompagné
de Mac Tarp, je pars chercher de l’eau à la rivière.
Les midges sont dans la place. Nous enfilons nos moustiquaires. Je me
concentre ensuite sur le couchage : gonflage du matelas et
déploiement du sac. Ce refuge est providentiel et nous donne
l’occasion de profiter un peu plus de la soirée… J’offre
une tournée d’anisette aux valeureux marcheurs. Sur l’une
des étagères, quelques amandes dont se sont délestés
les précédents occupants. Elles accompagneront à
merveille la petite collation… L’apéro consommé,
nous passons au repas. Nous testons nos réchauds pour la
première fois. Mac Tourb est chargé du montage de l’un
d'eux. L’assemblage de la bonbonne et du brûleur nécessite
une manœuvre rapide et technique. L’obscurité venant
compliquer la chose, Mac Tourb manque de peu de tous nous faire
exploser. Petit pic d’adrénaline. Je déteste ces
engins. Le souvenir d’un ami se faisant brûler au visage au
2e degré remonte à la surface, comme une
piqure de rappel. À plusieurs reprises, nous entendons le gaz
sous pression qui s’échappe de la bonbonne. Le suspens est
là, bien présent, palpable… Un peu trop… Nous
demandons à Mac Tourb de sortir de la pièce. Le premier
réchaud, situé à quelques dizaines de
centimètres de ce dernier, est déjà allumé.
Nous n’avons pas l’âme suffisamment kamikaze pour continuer
à tenter le diable. Mac Tourb finit par réussir
l'assemblage de la bête… Nous mangeons.
En parallèle, nous essayons de
faire flamber le bois présent dans l’âtre. Il ne prend
pas. C’est compliqué. Nous avons beau nous démener
sur le promontoire , il ne
prend pas. Il s'enflamme quelques instants puis s’éteint. Le
combustible est tantôt trop vert, tantôt trop humide et
la cheminée a un très mauvais tirage. Nous baignons
dans un nuage de fumée… Nous passerons de longues minutes
les yeux rivés sur le foyer à essayer tour à
tour de créer une flamme folle, puissante et pérenne…
C’est voué à l’échec, mais ça nous
occupe. Pragmatique, Mac Tourb suggère d’utiliser dorénavant
la tourbe comme combustible,. On en retrouve partout autour de nous…
Il suffit de se baisser, de la ramasser et de la laisser sécher.
Je visualise assez bien Mac Tourb se baladant, le sac à dos
chargé de mottes pendues de part et d’autre de ce dernier…
Comment combattre l’ennemi ? C’est simple : il faut
arborer ses couleurs, passer inaperçu, se confondre. Devenir
une tourbe parmi les tourbes… Ne devrions-nous pas lui affubler
plutôt le surnom de Mac Fourbe ? En essayant d’attiser
les braises, Nic Zubrowka s’agenouille au mauvais endroit : le
postérieur planté sous une bougie. Elle met quelques
secondes avant de s'en apercevoir. Quelques secondes de trop, son
survêtement, lui, a déjà réagi au contact
de la flamme. Il est désormais décoré d’un
trou en son centre… Nic Zubrowka a le feu aux fesses. Bon public,
nous ne pouvons nous retenir de rire de la situation. De retour sur
notre préoccupation principale, je décide d’aller
chercher du bois dans la pièce d’à côté.
Un campagnol file sous mes pieds. Équipé de ma lampe
torche, je retrouve l’animal dissimulé à quelques
mètres, près du second foyer. Un campagnol grillé
pour la 4 !!! Pauvre bête, petit rongeur si attendrissant.
Il est là, transi, recroquevillé, apeuré. J’ai
presque envie de lui faire un câlin. Je me ressaisis, point
trop n’en faut… Après tout, nous nous connaissons à
peine. Ce campagnol est peut-être dangereux et machiavélique,
derrière ses airs de gentille créature sans défense
et ses yeux ronds. Il est en train de me faire le coup du chat, dans
Shrek… Le malin… J’appelle le reste de la troupe pour qu’ils
viennent contempler ma trouvaille. Le temps qu’ils arrivent, il a
déjà filé. Il a eu bien raison… Dieu seul sait
de quoi mes coéquipiers auraient été capables.
Mac Tarp est encore affamé. Cette rencontre aurait pu virer au
psychodrame… Je récupère un peu de bois pour le feu.
Il est vert. Il ne prendra pas. Je promets à mes partenaires
de faire livrer du combustible demain matin et de contacter une
palanquée d’artisan pour intervention : ramoneur,
dératiseur, chauffagiste, femme de ménage… Ne faut-il
pas mettre le prix, lorsque l’on est chargé de l’entretien
d’une telle infrastructure ? Ce gardien me semble un tantinet
laxiste. Il ferait mieux de faire son boulot plutôt que de
passer son temps à jouer du biniou dans les hautes herbes…
Il est 23h lorsque s’éteint la
dernière lampe. Je suis fatigué, mais le sommeil est
long à venir…
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