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JOUR 12

Le dernier jour… Ça y est, nous y sommes. Ce soir, nous pourrons théoriquement prendre une bonne douche chaude, nous laver longuement, manger des fruits gorgés de sucre, des légumes croquants… Nous pourrons dormir sur un matelas moelleux avec un véritable oreiller. Nous pourrons retrouver notre confort habituel et nous l’apprécierons certainement bien plus qu’avant notre départ… Nous en disposions, mais nous n’en avions pas conscience. C’est un peu comme le bonheur. Je le recherche, j'ai envie de la vivre, je le vis, mais je ne le vois pas, je ne le ressens pas, je ne le perçois pas. Ce n’est qu’après coup, que je me rends compte que j’étais pleinement heureux, ou du moins que j’en prends entièrement conscience.

Nous quittons sans regret le refuge de Carrozu pour emprunter un chemin descendant à travers une zone rocheuse et boisée. Nous traversons à nouveau la rivière en utilisant une passerelle de planches et de cordages. Chaque pas nous fait rebondir un peu plus, l’effet s’estompant au départ et à l’arrivée du pont.


Un peu plus loin, nous croisons une femme, une porteuse. Elle est munie d’une hotte qu’elle endosse fièrement. Cette dernière semble bien lourde, bien chargée. L’employée livre le campement en vivres diverses, pour le ravitaillement des randonneurs… Quelque part, il n’est pas étonnant que les produits soient vendus si chers aux refuges. Nous admirons le courage, la force et la détermination de cette femme qui exerce un métier plus qu’usant au quotidien. Chapeau bas.


Nous continuons la descente pendant quelques heures. Virginie est encore bien fatiguée. Elle compte s’arrêter au niveau de la route que nous devons bientôt croiser. Elle rejoindra Calenzana en stop. Je suis en peu déçu pour elle, qu’elle n’aille pas jusqu’au bout de l’aventure, qu’elle lâche avant la fin. Mais lorsque nous atteignons la route, elle semble davantage soulagée qu'attristée. Nous empruntons cette dernière sur quelques centaines de mètres avant de retrouver le Mare à Mare. Nous quittons lâchement Virginie au bord de l’accotement… Peut-être est-ce elle, au fond, qui nous délaisse ? Un abandon forcé... Elle se fait prendre en stop par un père de famille accompagné de ses enfants. Bonne route ! Bon vent !



Nous poursuivons notre marche, tous les 4, sur le Mare à Mare : littéralement « de mer à mer ». C’est un sentier qui sillonne la Corse d’ouest en est. Il en existe 3 à ma connaissance, l’un traverse l’île au sud, l’autre au centre et le dernier, celui que nous empruntons, la traverse au nord. Nous avons véritablement l’impression d’avoir quitté la montagne : moins de relief, plus de végétation, un chemin plus large offrant des perspectives paysagères moins intéressantes. Nous continuions notre périple sur une large piste forestière. Nous avançons vite, sur un terrain lisse et facile. La chaleur est écrasante, de moins en moins supportable. À midi, j'incarne la personnification d'un figatelli bien gras que l’on vient de poser sur un barbecue. Je suinte, je perle, je cuis, je m’enflamme… je suis à point…



Nous commençons à chercher un endroit pour manger. Un petit site à l’ombre d’un cours d’eau ferait parfaitement l’affaire. Nous avons repéré 3 ruisseaux sur la carte, ils descendent à flanc de colline et traversent la route en différents points. Ils sont à quelques centaines de mètres de nous. Nous atteignons rapidement la première rigole. Il n’en reste pas grand-chose, elle est frappée d’un sévère étiage. Pour les 2 autres, le diagnostic est identique, voire même plus accablant… Désert corse, quand tu nous tiens… Difficile de penser que Colona ait pu survivre aussi longtemps dans le maquis. Nous mangeons sous un arbuste à quelques mètres du ruisseau. Il fait diablement chaud. C’est notre dernier repas. Vince sort une botte secrète : une boîte de sardines…The last one...
Nous décampons rapidement de notre spot de fortune pour retrouver avec délice notre écrasante chaleur… Même le vent est chaud. Il nous reste encore quelques kilomètres à parcourir pour rejoindre Calenzana : une courte montée, puis une descente assez longue : la descente finale. Nous poursuivons l’ascension de la colline. Le sol devient plus sableux. Chaque nouveau pas fait pour moi l’objet d’une négociation avec mon organisme. À résultat constant, l’effort à fournir sur ce terrain difficile est de plus en plus intense. Je suinte, je perle, je cuis, je m’enflamme… Désert Corse… Le processus physique de sublimation est sur le point de se produire… J’y échappe de justesse en rejoignant le sommet de la colline.


Non, ce n’est pas un mirage. À nos pieds, Calenzana se dessine : magnifique et accueillante. Au second plan, la mer et le ciel se confondant en nuances de bleu à l’horizon. Je ferai volontiers un bond démesuré pour me retrouver totalement immergé en pleine mer. Je me concentre et je tente de me téléporter. Échec cuisant… Une prochaine fois, peut-être.



Nous descendons vers Calenzana. La perspective de la fin de cette longue marche nous donne des ailes. Je rallume mon téléphone. J’essaye de joindre Virginie. Elle a regagné le petit village. Elle nous attend en terrasse d'un restaurant, digérant un délicieux repas et profitant des rayons du soleil sur un fond de pause café-clope. Je lui demande de s'enquérir des horaires de bus et de localiser l’arrêt. Ludo veut prendre le bateau, ce soir, à l’île Rousse, afin de rentrer sur Nice. Il nous faut pour cela rejoindre Calvi en car, au préalable. Je conviens avec elle de la recontacter dans 10 minutes, laps de temps suffisant pour se procurer les indications. Je rappelle : elle ne s’est pas renseignée, ou du moins, les infos tardent à venir. Ça m’énerve passablement. Je lui demande à nouveau d'aller aux nouvelles. Elle me raccroche au nez.

Nous poursuivons notre course vers Calenzana. Ça y est, nous y sommes. Les premiers murets de pierres, les premiers pavés. Calenzana, nous voilà. Trek terminé, mission réussie. Moment de satisfaction, de fierté. Ce récit en est le témoin…



Nous rejoignons Virginie. Je lui fais la gueule. C’est réciproque. Dommage de conclure sur une telle note. On continue à marcher pour atteindre l’arrêt de bus. Arrivé sur place, j’ai une explication avec Virginie. On se prend la tête, à nouveau, bien comme il faut… Ça jette un froid sur cette fin d’aventure.

Alors que nous attendons le car, Vince décide de rester à Calenzana, au camping du GR. Il souhaite apparemment prolonger ce moment plus longtemps. Ce soir, il fera le boss devant les randonneurs novices entamant la marche dans le sens nord-sud. Il sera de bons conseils, ceux que prodigue un trekkeur aguerri.


Ludo, Ly, Virginie et moi montons dans le bus après avoir fait nos adieux à Vince. Arrivés à Calvi, Ly et Ludo prennent le train pour l’île Rousse. Ce dernier démarre 30 secondes après qu’ils aient acheté leur billet. Je ne les vois même pas s'en aller. On se souhaitera bonne route par texto. Virginie et moi partons chacun de notre côté, en stop pour Bastia.

Je suis déçu que le GR se soit terminé comme cela : la dispute, l’éparpillement de l’équipe. Une dernière soirée tous ensemble eut été la bienvenue. Le planning était serré, un peu trop. On fera mieux la prochaine fois. Cet épilogue fait également partie de l’aventure, il en fait une de ses singularités. On a passé un terrible et inoubliable séjour, c’est l’essentiel. Ce soir, je retrouve ma femme et ma fille à Bastia. Arrivée de leur avion à 22h. J’ai hâte de les revoir. Après quelques minutes de marche, je trouve un véhicule… Fin du trek, ça y est : c’est terminé… Une autre aventure commence : celle des vacances en famille…

Remerciements : un grand merci à Ludo qui a pris de magnifiques clichés tout au long de ce formidable périple. De belles photos, pour d'inoubliables souvenirs… Encore une fois, merci, à toi, l’ami, pour avoir immortalisé tout cela…
Pour finir, je tiens à remercier ma femme, pour m'avoir laissé vivre cette expérience hors du cocon familial, pour avoir accepté que je me consacre pleinement à l'une de mes passions, pour avoir consenti au sacrifice du temps libre que nous aurions pu exploiter, à deux ou à trois, différemment. Le temps cumulé : avant, pendant et après le trek. Je suis bien conscient de ce que cela implique pour toi. Alors, merci...

3 commentaires:

  1. Et ceux qui t'ont ouvert leur porte alors que tu puais le chacal et qui t'ont offert cette douche à la fleur de monoI, hein !!??

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  2. Et ceux qui t'ont ouvert leur porte alors que tu puais le chacal et qui t'ont offert cette douche à la fleur de monoI, hein !!??

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  3. Oui, c'est vrai... Petit oubli!! Un grand merci à Marion et Pascalou pour leur merveilleux accueil !!! Un bon nombre d'êtres humains hésiteraient avant de confier à un chacal leur gel douche à la fleur de monoï... Et eux, ils n'ont pas hésité... Pas une seconde (l'odeur y était certainement pour quelque chose). Je crois que je n'ai jamais autant apprécié une salle de bain que ce jour là ! Merci les Corses :,)

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