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JOUR 5

Au réveil, nous constatons que nous avons reçu de la visite cette nuit… Les restes de la veille, que nous n’avions négligemment pas ramassés, ont été déportés de quelques mètres et ont fait l’objet d’un nettoyage minutieux, par nos visiteurs nocturnes… Des sangliers ou des cochons sauvages, très probablement. Ils ne se sont, fort heureusement, pas introduits dans nos tentes.

Philippe a très mal dormi. C’est décidé, pour lui, le GR s’arrête ici. C’est son dernier mot. Sa sentence est irrévocable ! Avant de nous quitter, il se déleste de quelques vivres. Nous acceptons son cadeau d’adieu.

Nous partons, à 4, en direction du nord. Aujourd’hui, nous devons atteindre Vizzavone. C’est la petite ville qui sépare le GR sud, du GR nord. Franchir ce palier est crucial. Cet objectif correspond à un symbole, la réussite d’une partie non négligeable de la randonnée. Certes, il s’agit de la plus facile, mais ce sera déjà ça. Nous devons marcher durant une étape et demie avant de rejoindre notre but.

Il est 9h lorsque nous décampons. Je suis prêt depuis 8h. Je ronge mon frein. Nous partons toujours trop tard à mon goût. La vie en communauté implique quelques concessions. L’inertie matinale qui plane sur le campement m’exaspère parfois. Je ne me laisse que difficilement aller au réveil en douceur, quelles que soient les circonstances.

Nous traversons une forêt. Cette partie du GR est très boisée contrairement au nord qui est réputé comme beaucoup plus minéral. Nous nous égarons peu de temps après le départ. Nous avons perdu de vue les balises. Nous tentons plusieurs pistes dont l’une qui descend à pic le long d’un flanc de montagne. Nous divaguons ainsi durant une petite demi-heure avant de rejoindre le bon itinéraire.



Nous marchons dans le sous-bois depuis un moment désormais. La route qui mène au prochain refuge est plus longue que nous ne l’avions pensé. Le sac de Virginie est visiblement un peu trop lourd pour elle. 18kilos, c’est limite. Nous rééquilibrons nos besaces afin de la soulager. C’est principalement Vince et Ludo qui prennent en charge le surplus. Mon sac est déjà bien rempli. Il fait 20 kilos. Son poids est mal réparti, les lanières pectorales n’existent plus et les attaches ventrales sont cassées. Je supporte donc tout le poids de ce dernier sur les épaules. Je suis obligé de glisser une serviette sous les sangles de mon sac pour atténuer la douleur qui s'installe. Je procède à une réparation de fortune avec de la ficelle dans le but d'améliorer le portage du fardeau. C’est pas terrible, mais c’est mieux que rien…


Cette marche matinale est interminable. Le dénivelé n’est pas important, mais la route est longue. Nous arrivons à Capannelle un peu après 14h. On est crevé, démoralisé d’avoir avancé si lentement en cette matinée. On se pose en terrasse, au niveau du refuge. C’est une station de ski en hiver. C’est assez moche, il faut le dire. Nous mangeons et évoquons la possibilité de nous arrêter ici pour la journée. Les avis sont partagés. Très partagés. Nous discutons également l'option d’un bivouac sauvage, un peu plus loin, à mi-chemin en Capannelle et Vizzavone. Finalement, nous repartons, sans trop d’enthousiasme, vers 15h, en direction de Vizzavone.



Nous avons quitté la terrasse du refuge depuis presque 2h, lorsque nous croisons un groupe de randonneurs. Nous leur demandons s’ils peuvent estimer la distance qu’il nous reste à parcourir pour rejoindre Vizzavone. Selon eux, nous sommes à 1h30 du Village. Yes !!! Ça nous donne du baume au cœur. Encore un petit effort et c’est bon !!!



2 heures plus tard, nous marchons toujours… Vizzavone est-elle un mirage ? Une cité cachée ? L’avons-nous dépassée ? Vizzavone n’existe pas, Vizzavone est une légende… C'est certain. Nous croisons un second groupe de randonneurs. Selon eux, nous sommes à 1h de Vizzavone. Dur à avaler. Mais c’est pourtant vrai.

Cette péripétie s’est déroulée une bonne demi-douzaine de fois sur l’intégralité du trek. Dans un sens comme dans l’autre : soit une sous-estimation, soit une sur-estimation des temps de marche. Le GR provoque, dirait-on, certaines distorsions temporelles… Nous en plaisantons et décidons de pratiquer ce jeu-là avec les groupes que nous croiserons. Principe que nous n’appliquerons finalement pas… Nos instincts d’honnêtes randonneurs se refusant à endosser cette attitude contre nature…

Il est cependant intéressant de remarquer que nos avis divergent lorsque cette même question nous est posée. Le fait de vivre, au rythme du soleil, en exerçant une activité identique pendant plusieurs heures et plusieurs jours, déréglerait-il notre propre appréciation du temps ? Nous laisserions nous influencer par les différentes sensations, perceptions que nous avons de ces moments de marche ? Cette distorsion serait-elle liée à la manière dont nous évaluons ces instants, suivant que la randonnée nous ait semblé aisée et agréable ou contraignante et fatigante ?

Vince oublie un de ses bâtons en haut du mont surplombant Vizzavone. Il s’en rend compte 10 minutes après la pause. Il retourne le chercher. Cela deviendra sa spécialité…



Alors que nous descendons vers Vizzavone, Vince se tape un délire mystique… Il endosse le costume d’un conteur issu d’un croisement génétique entre Pierre Bellemare et Max Gallo… Ma sœur et moi sommes les héros de sa légende… Ça nous donne du cœur à l’ouvrage. Nous continuons notre route tandis que Vince narre un mythe à notre effigie, en employant moult figures de style, des plus imagées… Ça sent le craquage. Ludo descend lentement et en silence. Ses ampoules plantaires le font atrocement souffrir, mais il ne laisse rien paraître… Tout est dans le mental, tel est son message…

Nous arrivons vers 20h, à Vizzavone. On est crevé, mais on a réussi. Ce soir, on dort à l’hôtel et on mange au restaurant… C’est la fête !!! Après un apéro bien mérité, on choisit un copieux menu dont le plat principal est un ragoût de sanglier. C’est trop bon ! En fait, ce n’est pas du sanglier, c’est du veau. La serveuse nous explique que le véritable plat est proposé uniquement en saison, sa disponibilité variant en fonction des arrivages de la chasse. Le met reste tout de même très goûtu…



On rentre à l’hôtel. La douche est appréciable, plus qu’appréciable. On a gagné l’épreuve de confort de Koh Lanta! Ça fait du bien. Je m’apprête à passer une très bonne nuit, sur un matelas moelleux à souhait. En fait, je transpire à grosses gouttes durant presque toute la nuit. Je ne sais l’expliquer. Le matin, je me réveille très tôt. Mes draps sont trempés.

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