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JOUR 8 : « C’est l’incertitude qui nous charme. Tout devient merveilleux dans la brume. » Oscar Wilde

Réveillé vers 7h, je patiente une heure, comme habituellement, avant de sonner le branle-bas de combat dans le refuge. Ce matin, le réveil est difficile. Nos corps engourdis mettent chaque jour un peu plus de temps à retrouver toutes leurs fonctionnalités. Au menu du petit-déj, porridge pour tout le monde. Tout le monde sauf deux irréductibles... Mac Tourb et moi même. Dés les premiers jours du trek, Mac Tourb me fait part de son profond dégoût pour cette bouillie locale... À mon sens, l'aversion est tout à fait légitime. Mac Tourb, je ne te laisserai pas mourir de faim. Je t'en fais le serment. Chaque jour, je partage donc un peu de mes céréales avec ce dernier. Soudés face aux consommateurs de porridge, nous sommes les fiers représentants d'un breakfast de qualité. Un vrai petit-déj avec de bons produits, c'est tout bonnement essentiel.


La vitre du refuge est colonisée par une armée de nos séculaires ennemis : les midges. Ils sont là... Nombreux, organisés, mais léthargiques. Ils sont collés au carreau... Que font-ils ? Pourquoi ne se déploient-ils pas ? Une chose est sûre, s'ils se réveillent maintenant, nous sommes morts.


J'en parle beaucoup depuis le début de mon récit. Mais finalement, on les connaît assez mal... Qui sont-ils vraiment ? Comment fonctionnent-ils ?

Zoom sur les midges (Les Midges – Guide Irlande.com): les Midges sont de petits moucherons de 2 mm de long pour 1,4 mm d’envergure, appartenant à la famille des Simuliidae. Ils apprécient particulièrement les coins humides, tels que les lacs, rivières, tourbières et marécages… Ces derniers se nourrissent à partir du sang prélevé sur leurs victimes, en fondant sur leur proie en formation serrée, tel un essaim. Le proverbe dit d’ailleurs : « Un midge tué, cent qui viennent aux funérailles ». Et pour leurs victimes, le tableau est loin d’être agréable ! Au programme, démangeaisons, boursouflures et irritations jusqu’au sang… Les piqûres sont plutôt douloureuses, et désagréables ! Si jamais vous avez été piqué, nous vous conseillons de ne pas vous gratter : les piqûres pourraient dégénérer en surinfection, et gâcher vos vacances ! Le midge est un moustique plutôt joueur… On ne le trouve que durant la période touristique, entre mai/juin et septembre/octobre… Autant dire lorsque les touristes sont de sortie pour explorer l’Écosse ! Pour parer à ce problème potentiel, ne vous fiez pas aux produits anti-moustiques et autres produits à la citronnelle vendus en France ou ailleurs que dans les pays touchés par les Midges. Ces derniers sont tout bonnement sans effets sur les Midges, qui sont des bébêtes du type plutôt résistant…

Je sors un instant pour aller faire ma vaisselle à la rivière. Je n'ai négligemment pas pris le temps de me protéger. Je lave 2 couverts. C'est insoutenable. Je me fais littéralement dévorer. En trente secondes, je suis couvert de piqures... Je peine à regagner le refuge, en proie aux démangeaisons et aux nouvelles attaques des sales petites bestioles. Je cours jusqu'à la bâtisse en me frappant le visage... Scène matinale des plus incongrues, j'en conviens.


Nous quittons finalement le joli petit havre de paix, laissant nos amis les midges seuls avec leurs viles occupations puériles et mesquines de conspirateurs sans vergogne.

Nous empruntons le chemin qui nous fait déboucher sur une sorte de lande marécageuse dégradée. Le ciel est bas. Le paysage est tourmenté,  « tourbenté », je dirai même. Le sol est comme décapé par endroits. De larges mares colonisent le flanc de colline. Nous sautons de motte en motte en évitant les grosses flaques. C'est tout bonnement irréel. Un milieu hostile par définition. La traversée s'avère périlleuse. À plusieurs reprises, je m'arrête et tente de visualiser le meilleur itinéraire. Nous essayons de traverser un marais à pieds secs.



J'ai l'impression d'être la petite mascotte d'une boîte de céréales qui teste plusieurs chemins à travers un labyrinthe dont l'issue est unique. J'imagine ma fille en train de déjeuner, scotchant sur l'emballage en carton, face à elle, et s'efforçant de trouver une sortie pour papa, tonton et tata. J'espère qu'elle est bien réveillée !!

2 autres images me viennent en tête. J'imagine Mac Midges jouant l'issue de notre balade matinale aux dés... Double 6 : rendez-vous p.42 : vous tombez dans une mare. Vous vous enfoncez dans les sables mouvants... Vous avez deux solutions : demandez de l'aide au troll qui vous accompagne : p.317 ou perdre un point de vie : p.22... Votre ami vous aide, mais il est bruyant. Allez directement p.213 : Le troll a attiré les monstres du marais... Un midge géant. Mais les midges ne viennent jamais seuls. Tenez-vous prêt à combattre !!

Mac Midges et son livre dont vous êtes le héros... C'est énorme. Il a emmené un de ces bouquins dont je raffolais quand j'étais plus jeune. Une seule aventure ne lui suffit pas. Il lui en faut une deuxième, qu'il vit en parallèle de la première... Une autre singularité du personnage : son appareil photo : Un jetable. Un appareil avec une vraie pellicule, pour le côté rétro... Un appareil avec lequel tu peux louper la moitié de tes photos sans même t'en apercevoir... Il est fort ce Mac Midges. Il conjugue trek et originalité à merveille, à ma grande surprise...


L'autre image, c'est celle de Mac Tarp, en pleine manœuvre d'air soft. Il rabat ses adversaires stratégiquement vers le marais, zone qu'il a préalablement identifiée. Là, acculée, la troupe ennemie se fait anéantir en un rien de temps, trébuchant dans les mares, se vautrant dans la boue, dérapant sur l'herbe grasse... Un carnage, en somme...

Nous sortons victorieux du labyrinthe, anticipant la logique de la boîte de céréales, franchissant les étapes du livre d'aventure, échappant au traquenard de Mac Tarp...

La brume s'abat sur nous. Je l'attendais depuis le début du séjour. Un voyage en Écosse sans brume, c'est comme un moelleux au chocolat sans crème anglaise, c'est comme une frite belge sans sauce américaine chef... Ça ne se conçoit que difficilement...

Ne pensons pas trop à toutes ces choses inaccessibles, concentrons-nous sur la brume... Elle s'étend belle, magnifique, douce et silencieuse sur le lac devant nous. J'adore ce moment, je suis charmé par le paysage. Je suis conscient de la chance dont je bénéficie. Ce trek est génial. Ces vacances sont formidables. Je suis comblé, heureux.
 
Le fond de l'air est humide. Il pleuviote, il crachote. J'enfile mon poncho, mes coéquipiers font de même. Nous devons traverser une rivière aux abords du lac. Le pont est rudimentaire : 2 cordes lâches, disposées parallèlement, l'une en partie haute, l'autre en partie basse. Elles sont ancrées de part et d'autre dans la roche... Les funambules entrent en action...


Le parcours du combattant nous livre son second obstacle... Pas de chutes dans la rivière, pas de grosses frayeurs... Nous nous en sortons presque trop facilement... Nous poursuivons notre route et longeons le lac brumeux pour déboucher dans une vaste vallée.


Le temps se gâte. Le crachin se transforme en pluie. Le sentier se transforme en cours d'eau. Mes chaussures, elles, ne se transforment pas. Elles sont fidèles à elles même, toujours aussi gorgées d'eau. Nous continuons notre marche, bravant les éléments et contemplant ce paysage sombre, dur et tellement sauvage.



Nous marchons durant plusieurs heures avant de pouvoir profiter d'une accalmie temporaire. Le sol est presque sec, disons juste qu'il est moins marécageux que d'accoutumé, plus rocailleux. L'air ambiant est dépourvu de midges. Ce site semble réunir les conditions nécessaires au bon déroulement d'une pause déjeuner... Le vent froid qui glisse sur le flanc de montagne viendra néanmoins écourter cette dernière. Nous mangeons à peu près au sec, c'est déjà ça...



Au bord du chemin, un vélo... Seul, sans propriétaire. Peut-être est-il allé faire un brin de grimpette dans les environs ? En face de nous, une rivière. Elle serpente majestueusement dans le vallon. Méandriforme, ses courbes sont fines et régulières. De gros nuages approchent, il est temps de repartir...


Je pars bille en tête vers le col que nous devons atteindre. Une fois que nous aurons rejoint ce dernier, nous n'aurons plus qu'à parcourir la longue descente qui mène à Craig, petit hameau des Highlands. Le dénivelé positif jusqu'au col n'est pas très important.

Après quelques minutes de marche, le sentier disparaît, comme souvent. Je décide de rester sur une trajectoire qui s'inscrit dans son prolongement. Mes coéquipiers, qui me suivent, préfèrent redescendre vers la rivière. Ce n'est pas un problème. On se rejoindra là haut. La brume s'est dissipée depuis ce matin. Les nuages sont présents, mais la vue est dégagée.


Je continue donc seul mon ascension vers le col. Dans un premier temps, mon choix semble payant. J'ai pris de la hauteur et j'ai de l'avance sur mes coéquipiers. Je croise une rivière. Elle est petite, mais encaissée. Je la traverse avec quelques difficultés. Je poursuis. Je tombe sur un second cours d'eau, dont le lit est encore un peu plus enclavé... Ça se complique. J'avance prudemment et franchis à nouveau l'obstacle. J'ai, semble-t-il, conservé un peu d'avance sur mes partenaires. Cependant, j'ai tendance à m'éloigner légèrement de la direction à rejoindre. Le relief m'a obligé à suivre une trajectoire en forme de boucle. Eux, ils ont pris tout droit. Mon itinéraire est un peu plus long, mais le dénivelé est plus régulier et moins important. Une troisième rivière. Ça se corse. Elle s'apparente davantage à un petit canyon qu'à un cours d'eau de plaine. Atteindre son lit semble très compliqué. N'ayant pas vraiment d'autre alternative, je décide de la remonter pour trouver un passage acceptable, moins délicat. Au bout de quelques minutes, j'identifie une brèche exploitable. C'est technique, mais c'est jouable. Je descends sans encombre jusqu'à la rivière, puis je suis son cours sur quelques mètres à la recherche du corridor qui permettra de rejoindre la rive opposée. Objectif atteint. Ici, la pente est moins raide. Je prends mon élan et grimpe le long de la paroi sur quelques mètres. Victoire.



Une fois l'obstacle franchi, je cherche des yeux mes coéquipiers. Ça y est, je les vois. Désormais, c'est moi qui suis en retard. Les rivières... J'espère qu'il s'agit de la dernière. Elles n'apparaissaient pas sur mon topoguide. Pas étonnant, la carte n'est pas très précise. De plus, elle a été imprimée en noir et blanc.

Je commence à courir pour rejoindre le reste de l'équipe. Je traverse une zone riche en blocs rocheux. Ils sont éparpillés çà et là, un peu partout. Ils sont de grande taille. Dans la précipitation, je trébuche et me cogne le genou sur un roc. C'est douloureux. Je fais abstraction et poursuis. Je progresse finalement assez lentement au sein de ce secteur inhospitalier. Malgré le rythme que je m'impose, je n'arrive pas réduire la distance sur mes partenaires. Je les distingue à quelques centaines de mètres, ils avancent sur un beau petit sentier. Je prends la trajectoire la plus directe pour les rejoindre. Je dois traverser une zone d'éboulis rocheux qui s'étend sur environ deux cents mètres. Une fois cet obstacle passé, je devrais être sorti d'affaire. Je marche d'un pas soutenu. Au bout de quelques minutes, je regagne le sentier... Victoire. Mac Tarp et Mac Tourb sont à une centaine de mètres devant moi. Il me faut fournir un dernier effort. J'arrive à leur niveau. Je suis éreinté, crevé. Je manque de me casser la figure à plusieurs reprises. Le terrain est glissant. Je suis trempé. La buée et les gouttes d'eau s'accumulent sur mes lunettes. Mais nous avons atteint le col.


Il est presque 17h. Il nous reste un peu moins de 10 kilomètres à parcourir pour rejoindre Craig, de la descente principalement. Mais nous en avons encore certainement pour quelques heures... Nous ne sommes pas au bout de nos peines et il pleut... Doucement, mais continuellement... Nous nous arrêtons un court instant au sommet du col. J'ai juste le temps de manger une barre de céréale et de me rouler une cigarette.

Mac Midges égaye le début de cette longue descente. Il se lance dans une bluffante et hilarante imitation du père Fouras. C'est plutôt réussi. Il s'approprie des phrases du topoguide et les transforme sans difficulté en absurdes énigmes. Le nain y joue un rôle prépondérant, il revient comme un leitmotiv. Il est l'interprète d'une nouvelle gestuelle, d'un art de vivre, d'un concept presque philosophique : il se démène sur le promontoire. Mac Midges dispose d'un réel talent pour les imitations comiques. Avant hier, au Bed and breakfast, il s'est lancé en fin de soirée dans une lecture du topoguide en empruntant la voix de Gimli, le nain. Le spectacle était tout aussi plaisant. Les intonations russes, la voix roque, saillante et dure. Un texte des plus invraisemblables... Le mélange est explosif, un petit joyau burlesque...

La brève improvisation nous fait le plus grand bien. Nous continuons notre descente pour atteindre la vallée où coule une rivière longée par une large piste carrossable. Au bout de 40 minutes, nous rejoignons le cours d'eau. Impossible de le franchir à gué. Nous retrouvons un système identique à celui de ce matin : le pont à 2 cordes. La traversée semble cependant plus complexe que la précédente. La distance à parcourir sur l'ouvrage est plus longue... Chacun y va de sa propre technique. Mac Tourb la joue, à l'aise. Il prend des photos, en équilibre précaire sur le fil. Mac Fire et Mac Midges manquent de tomber à l'eau, leurs sacs effleurant la rivière en surface. Nic Zubrowka, n'est pas vraiment rassurée, mais elle franchit l'obstacle sans encombre. Pour pimenter la chose, Mac Tourb fait pression sur la corde alors que je traverse. L'intervention fausse ma perception de l'équilibre en présence... Mac Fourb, ton heure viendra !!


Nous poursuivons notre marche sur la piste qui longe la rivière. La pluie se fait plus présente, plus intense. Nous ne sommes pourtant pas encore arrivés : il nous reste 4 ou 5 km à parcourir, selon le topoguide. C'est long, mais nous avançons désormais à bonne allure, sur terrain plat ou en dénivelé négatif...


Nous rejoignons finalement l'A890 qui mène à Craig. Il est 19h passé de quelques minutes. Aucune envie de monter la tente sous la pluie, de s'établir sur un sol détrempé et de combattre les midges. L'avis est unanime. Le topoguide fait mention du légendaire hôtel de Gerry... Il s'agit là d'une belle et mystérieuse opportunité. Une fois de plus, le livre aiguise notre curiosité... Encore une énigme. En quoi cet établissement est-il légendaire ? Le club des 6 se doit de le découvrir...

La bâtisse ne paye pas de mine. De l'extérieur, elle s'apparente davantage à un gîte qu'à un hôtel. Nous frappons à la porte. Un homme d'une bonne trentaine d'années vient nous ouvrir. Il parle français. Il parle très bien français. C'est super appréciable. Il est suisse et il est très sympa. L'affaire est rapidement conclue...

Nous pénétrons dans le salon de l'établissement. Des canapés moelleux, une petite table basse, un feu de cheminée. Il fait bon, l'atmosphère est douce et chaleureuse. Un vieux vinyle tourne sur une platine au fond de la pièce. Cet hôtel est magique... Légendaire, je ne sais pas... Mais on s'y sent vraiment bien... Comme si l'on retrouvait un lieu familier après un long et éreintant voyage. Un havre de paix qui renvoie au calme, à l'apaisement : idéal pour se ressourcer le temps d'un bref séjour. Le gîte m'évoque la famille, les moments joyeux et conviviaux. Un endroit rêvé où séjourner durant les fêtes de fin d'année en mangeant de succulents produits, en buvant de délicieux vins et en passant de bonnes et longues nuits réparatrices. Ce site a une âme.


Je discute un peu avec notre hôte. En fait, il n'est pas Gerry. Gerry est le patron de l'hôtel. Lui, il s'occupe de la logistique. Il est journaliste. Il partage son temps entre la gestion de l'établissement et l'écriture. Plutôt sympa comme mode de vie. Il semble vraiment épanoui dans ce qu'il fait. C'en est même quelque peu déroutant. Il déborde de bonheur. Il m'indique qu'il part souvent contempler la rivière le soir. Nous entrons dans la période où le saumon commence à remonter les cours d'eau. C'est un magnifique spectacle. Il y assiste volontiers et régulièrement au coucher du soleil. Il y a quelques jours, il a aperçu une biche et un cerf qui venaient s'abreuver ensemble au niveau du ruisseau. C'est aussi la saison des amours. Je suis captivé par son récit. Je prends un peu de recul. Ne serait-il pas en train de me faire un remake de Brokeback mountain ? Non, j'en doute. Il est juste heureux et passionné.

Je mets un terme à notre échange. J'ai tout un tas de choses à faire... Comme prendre une bonne douche par exemple. Ma liste de tâches accomplie, je profite un bref instant du feu de bois dans le salon. Mes coéquipiers ont eu le même réflexe. Je propose un verre d'anisette à ces derniers. Il n'y en aura pas pour tout le monde, mais la petite bouteille aura tout de même pleinement joué son rôle durant tout le trek. Sur ma lancée, je soumets l'idée de mettre à profit du groupe mes talents de cuisinier révélés hier. Ma proposition fait mouche... C'est notre dernier soir. Nous devons écouler les stocks. Je rassemble toutes les vivres. Je prévois de faire un plat magistral. Un mélange de saveurs... Une tuerie culinaire...

D'un pas décidé, j'entre dans la cuisine de l'établissement. Il y a tout ce qu'il faut pour que j'exprime à loisir mon nouveau talent. Je m'empare d'un gros fait-tout. Je prends des pâtes que je fais chauffer. Je rajoute des lentilles, de l'huile, du romarin, des herbes de Provence, de l'ail déshydraté, du sel, du poivre... Je suis au sommet de mon art. What else ? Tiens… des boîtes de sardines au vin blanc, du maquereau à la moutarde, des sardines à la tomate... Mon plat gastronomique prend forme... Un fumet doux et envoûtant se répand dans la pièce. Je suis en train de révolutionner l'art culinaire, c'est certain... Après la cuisine moléculaire, la cuisine qui n'en avait pas l'air... La touche finale, le secret du chef, la botte secrète : un peu de fromage écossais subtilement incorporé...

Certainement subjugué, voire hypnotisé par l'irrésistible fragrance de mon oeuvre, notre hôte entre dans la cuisine... Il ne laisse rien paraître. Mais au fond de lui, je suis persuadé qu'il meurt d'envie que je lui propose de manger avec nous... Lui accordera-t-on ce privilège ? Je ne suis pas seul à pouvoir en décider. D'un naturel peut-être un peu timide, il n'ose cependant m'en faire directement la demande. Il m'indique qu'il peut nous ramener quelques bières. Et que nous pourrons le rejoindre après manger pour boire quelques whiskys en compagnie de Gerry. Gerry est occupé pour l'instant, mais nous pourrons le voir tout à l'heure...

Ce Gerry est énigmatique. Il revient dans toutes les discussions, mais jusqu'à présent, nous ne l'avons pas croisé. Son omniprésence est louche. Étrangement, je ne suis pas le seul à m'en faire la réflexion. Gerry existe-t-il vraiment ? Le légendaire hôtel de Gerry... Je creuse... Mais oui, bien sûr... Gerry est fictif, Gerry est un personnage de légende. Ce n'est pas l'hôtel qui est légendaire, mais son propriétaire... Encore une vilaine interprétation de google trad... Voilà ce que nous aurions dû lire : l'hôtel du légendaire Gerry... Gerry : une croyance populaire locale qui régit les comportements au sein de ce lieu... Gerry est une petite marionnette qui a envoûté quelques personnes, dont le maître de maison... Après réflexion, tout cela est de plus en plus plausible. Notre hôte, qui déborde de bonheur, qui suinte la sympathie et pour qui la paix intérieure n'a plus de secrets, est la triste victime d'une lobotomie savamment orchestrée par Gerry le vilain pantin... Tout est clair désormais. Le charmant petit salon, le feu de bois, le coucher du soleil, les saumons qui remontent la rivière... Une vaste supercherie...

Des deux mains, j'empoigne le fait-tout qui pèse bien ses 5 kilos... Classe et distinction m'habitent lorsque je dispose mon œuvre au centre de la table... Un silence solennel et de circonstance s'installe soudainement... N'étant pas coutumier de ce type de cérémonial qui accompagne les grands moments, je décide de mettre un terme à mon embarras en brisant la glace. J'invite les bienheureux convives à se servir...

Le silence se poursuit... Cela devient gênant... Point trop de mise en scène, s'il vous plaît. Les premiers qualificatifs arrivent enfin : copieux, compact... J'attends la suite... Les mots : extraordinaire, subtil, raffiné ont apparemment du mal à sortir... Ils sont remplacés par : tambouille, ça cale, tu veux finir mon assiette ? Je me fais une raison. Je suis un pionnier, un précurseur... Le 21e siècle n'est pas encore prêt. Je suis en avance sur mon temps. Je dois renoncer à l'exercice de mon talent...

Bon... Avouons-le... Mon plat est insipide et pâteux... Il sera pourtant totalement englouti... Nous avons parcouru 25 kms aujourd'hui... Simple relation de cause à effet. Les bières apportées par notre hôte tombent à point... Breuvage idéal pour digérer un mets délicat. Nous nous projetons sur la journée de demain. Mac Fire n'a plus envie de marcher, il souhaite visiter un peu l'Écosse. Il veut profiter du séjour d'une autre manière. J'espère que ma cuisine n'y est pour rien... Au matin, il rejoindra la gare située à une heure et demie de marche à pied en suivant la route. Mac Midges l'accompagnera. Ils réserveront une auberge de jeunesse à Inverness en arrivant. C'est dommage, mais nous respectons leur choix. Mac Tourb et Mac Tarp, quant à eux, ont envie de randonner à la fraîche, de parcourir les Highlands au lever du soleil. Ils suggèrent de partir vers 5h du matin, levé 4h... Nic Zubrowka est un tantinet réticente. Je dois avouer que je suis surpris par leur proposition. D'un commun accord, nous déclinons...

Trois binômes... Il s'agira de la bonne formule pour demain... Nous en revenons à nos débuts...

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