Réveillé vers 7h, je
patiente une heure, comme habituellement, avant de sonner le
branle-bas de combat dans le refuge. Ce matin, le réveil est
difficile. Nos corps engourdis mettent chaque jour un peu plus de
temps à retrouver toutes leurs fonctionnalités. Au menu
du petit-déj, porridge pour tout le monde. Tout le monde sauf
deux irréductibles... Mac Tourb et moi même. Dés
les premiers jours du trek, Mac Tourb me fait part de son profond
dégoût pour cette bouillie locale... À mon sens,
l'aversion est tout à fait légitime. Mac Tourb, je ne
te laisserai pas mourir de faim. Je t'en fais le serment. Chaque
jour, je partage donc un peu de mes céréales avec ce
dernier. Soudés face aux consommateurs de porridge, nous
sommes les fiers représentants d'un breakfast de qualité.
Un vrai petit-déj avec de bons produits, c'est tout bonnement
essentiel.
La vitre du refuge est colonisée
par une armée de nos séculaires ennemis : les
midges. Ils sont là... Nombreux, organisés, mais
léthargiques. Ils sont collés au carreau... Que
font-ils ? Pourquoi ne se déploient-ils pas ? Une
chose est sûre, s'ils se réveillent maintenant, nous
sommes morts.
J'en parle beaucoup depuis le début
de mon récit. Mais finalement, on les connaît assez
mal... Qui sont-ils vraiment ? Comment fonctionnent-ils ?
Zoom sur les midges (Les Midges –
Guide Irlande.com): les Midges sont de petits moucherons de 2 mm
de long pour 1,4 mm d’envergure, appartenant à la
famille des Simuliidae. Ils apprécient particulièrement
les coins humides, tels que les lacs, rivières, tourbières
et marécages… Ces derniers se nourrissent à partir du
sang prélevé sur leurs victimes, en fondant sur leur
proie en formation serrée, tel un essaim. Le proverbe dit
d’ailleurs : « Un midge tué, cent qui
viennent aux funérailles ». Et pour leurs victimes,
le tableau est loin d’être agréable ! Au
programme, démangeaisons, boursouflures et irritations
jusqu’au sang… Les piqûres sont plutôt douloureuses,
et désagréables ! Si jamais vous avez été
piqué, nous vous conseillons de ne pas vous gratter : les
piqûres pourraient dégénérer en
surinfection, et gâcher vos vacances ! Le midge est un
moustique plutôt joueur… On ne le trouve que durant la
période touristique, entre mai/juin et septembre/octobre…
Autant dire lorsque les touristes sont de sortie pour explorer
l’Écosse ! Pour parer à ce problème
potentiel, ne vous fiez pas aux produits anti-moustiques et autres
produits à la citronnelle vendus en France ou ailleurs que
dans les pays touchés par les Midges. Ces derniers sont tout
bonnement sans effets sur les Midges, qui sont des bébêtes
du type plutôt résistant…
Je sors un instant pour aller faire ma
vaisselle à la rivière. Je n'ai négligemment pas
pris le temps de me protéger. Je lave 2 couverts. C'est
insoutenable. Je me fais littéralement dévorer. En
trente secondes, je suis couvert de piqures... Je peine à
regagner le refuge, en proie aux démangeaisons et aux
nouvelles attaques des sales petites bestioles. Je cours jusqu'à
la bâtisse en me frappant le visage... Scène matinale
des plus incongrues, j'en conviens.
Nous quittons finalement le joli petit
havre de paix, laissant nos amis les midges seuls avec leurs viles
occupations puériles et mesquines de conspirateurs sans
vergogne.
Nous empruntons le chemin qui nous fait
déboucher sur une sorte de lande marécageuse dégradée.
Le ciel est bas. Le paysage est tourmenté,
« tourbenté », je dirai même.
Le sol est comme décapé par endroits. De larges mares
colonisent le flanc de colline. Nous sautons de motte en motte en
évitant les grosses flaques. C'est tout bonnement irréel.
Un milieu hostile par définition. La traversée s'avère
périlleuse. À plusieurs reprises, je m'arrête et
tente de visualiser le meilleur itinéraire. Nous essayons de
traverser un marais à pieds secs.
J'ai l'impression d'être la petite mascotte d'une boîte de céréales qui teste plusieurs chemins à travers un labyrinthe dont l'issue est unique. J'imagine ma fille en train de déjeuner, scotchant sur l'emballage en carton, face à elle, et s'efforçant de trouver une sortie pour papa, tonton et tata. J'espère qu'elle est bien réveillée !!
J'ai l'impression d'être la petite mascotte d'une boîte de céréales qui teste plusieurs chemins à travers un labyrinthe dont l'issue est unique. J'imagine ma fille en train de déjeuner, scotchant sur l'emballage en carton, face à elle, et s'efforçant de trouver une sortie pour papa, tonton et tata. J'espère qu'elle est bien réveillée !!
2 autres images me viennent en tête. J'imagine Mac Midges jouant l'issue de notre balade matinale aux dés... Double 6 : rendez-vous p.42 : vous tombez dans une mare. Vous vous enfoncez dans les sables mouvants... Vous avez deux solutions : demandez de l'aide au troll qui vous accompagne : p.317 ou perdre un point de vie : p.22... Votre ami vous aide, mais il est bruyant. Allez directement p.213 : Le troll a attiré les monstres du marais... Un midge géant. Mais les midges ne viennent jamais seuls. Tenez-vous prêt à combattre !!
Mac Midges et son livre dont vous êtes le héros... C'est énorme. Il a emmené un de ces bouquins dont je raffolais quand j'étais plus jeune. Une seule aventure ne lui suffit pas. Il lui en faut une deuxième, qu'il vit en parallèle de la première... Une autre singularité du personnage : son appareil photo : Un jetable. Un appareil avec une vraie pellicule, pour le côté rétro... Un appareil avec lequel tu peux louper la moitié de tes photos sans même t'en apercevoir... Il est fort ce Mac Midges. Il conjugue trek et originalité à merveille, à ma grande surprise...
L'autre image, c'est celle de Mac Tarp,
en pleine manœuvre d'air soft. Il rabat ses adversaires
stratégiquement vers le marais, zone qu'il a préalablement
identifiée. Là, acculée, la troupe ennemie se
fait anéantir en un rien de temps, trébuchant dans les
mares, se vautrant dans la boue, dérapant sur l'herbe
grasse... Un carnage, en somme...
Nous sortons victorieux du labyrinthe,
anticipant la logique de la boîte de céréales,
franchissant les étapes du livre d'aventure, échappant
au traquenard de Mac Tarp...
La brume s'abat sur nous. Je
l'attendais depuis le début du séjour. Un voyage en
Écosse sans brume, c'est comme un moelleux au chocolat sans
crème anglaise, c'est comme une frite belge sans sauce
américaine chef... Ça ne se conçoit que
difficilement...
Ne pensons pas trop à toutes ces
choses inaccessibles, concentrons-nous sur la brume... Elle s'étend
belle, magnifique, douce et silencieuse sur le lac devant nous.
J'adore ce moment, je suis charmé par le paysage. Je suis
conscient de la chance dont je bénéficie. Ce trek est
génial. Ces vacances sont formidables. Je suis comblé,
heureux.
Le fond de l'air est humide. Il
pleuviote, il crachote. J'enfile mon poncho, mes coéquipiers
font de même. Nous devons traverser une rivière aux
abords du lac. Le pont est rudimentaire : 2 cordes lâches,
disposées parallèlement, l'une en partie haute, l'autre
en partie basse. Elles sont ancrées de part et d'autre dans la
roche... Les funambules entrent en action...
Le parcours du combattant nous livre
son second obstacle... Pas de chutes dans la rivière, pas de
grosses frayeurs... Nous nous en sortons presque trop facilement...
Nous poursuivons notre route et longeons le lac brumeux pour
déboucher dans une vaste vallée.
Le temps se gâte. Le crachin se transforme en pluie. Le sentier se transforme en cours d'eau. Mes chaussures, elles, ne se transforment pas. Elles sont fidèles à elles même, toujours aussi gorgées d'eau. Nous continuons notre marche, bravant les éléments et contemplant ce paysage sombre, dur et tellement sauvage.
Au bord du chemin, un vélo... Seul, sans propriétaire. Peut-être est-il allé faire un brin de grimpette dans les environs ? En face de nous, une rivière. Elle serpente majestueusement dans le vallon. Méandriforme, ses courbes sont fines et régulières. De gros nuages approchent, il est temps de repartir...
Je pars bille en tête vers le col
que nous devons atteindre. Une fois que nous aurons rejoint ce
dernier, nous n'aurons plus qu'à parcourir la longue descente
qui mène à Craig, petit hameau des Highlands. Le
dénivelé positif jusqu'au col n'est pas très
important.
Après quelques minutes de
marche, le sentier disparaît, comme souvent. Je décide
de rester sur une trajectoire qui s'inscrit dans son prolongement.
Mes coéquipiers, qui me suivent, préfèrent
redescendre vers la rivière. Ce n'est pas un problème.
On se rejoindra là haut. La brume s'est dissipée depuis
ce matin. Les nuages sont présents, mais la vue est dégagée.
Je continue donc seul mon ascension vers le col. Dans un premier temps, mon choix semble payant. J'ai pris de la hauteur et j'ai de l'avance sur mes coéquipiers. Je croise une rivière. Elle est petite, mais encaissée. Je la traverse avec quelques difficultés. Je poursuis. Je tombe sur un second cours d'eau, dont le lit est encore un peu plus enclavé... Ça se complique. J'avance prudemment et franchis à nouveau l'obstacle. J'ai, semble-t-il, conservé un peu d'avance sur mes partenaires. Cependant, j'ai tendance à m'éloigner légèrement de la direction à rejoindre. Le relief m'a obligé à suivre une trajectoire en forme de boucle. Eux, ils ont pris tout droit. Mon itinéraire est un peu plus long, mais le dénivelé est plus régulier et moins important. Une troisième rivière. Ça se corse. Elle s'apparente davantage à un petit canyon qu'à un cours d'eau de plaine. Atteindre son lit semble très compliqué. N'ayant pas vraiment d'autre alternative, je décide de la remonter pour trouver un passage acceptable, moins délicat. Au bout de quelques minutes, j'identifie une brèche exploitable. C'est technique, mais c'est jouable. Je descends sans encombre jusqu'à la rivière, puis je suis son cours sur quelques mètres à la recherche du corridor qui permettra de rejoindre la rive opposée. Objectif atteint. Ici, la pente est moins raide. Je prends mon élan et grimpe le long de la paroi sur quelques mètres. Victoire.
Une fois l'obstacle franchi, je cherche
des yeux mes coéquipiers. Ça y est, je les vois.
Désormais, c'est moi qui suis en retard. Les rivières...
J'espère qu'il s'agit de la dernière. Elles
n'apparaissaient pas sur mon topoguide. Pas étonnant, la carte
n'est pas très précise. De plus, elle a été
imprimée en noir et blanc.
Je commence à courir pour
rejoindre le reste de l'équipe. Je traverse une zone riche en
blocs rocheux. Ils sont éparpillés çà et
là, un peu partout. Ils sont de grande taille. Dans la
précipitation, je trébuche et me cogne le genou sur un
roc. C'est douloureux. Je fais abstraction et poursuis. Je progresse
finalement assez lentement au sein de ce secteur inhospitalier.
Malgré le rythme que je m'impose, je n'arrive pas réduire
la distance sur mes partenaires. Je les distingue à quelques
centaines de mètres, ils avancent sur un beau petit sentier.
Je prends la trajectoire la plus directe pour les rejoindre. Je dois
traverser une zone d'éboulis rocheux qui s'étend sur
environ deux cents mètres. Une fois cet obstacle passé,
je devrais être sorti d'affaire. Je marche d'un pas soutenu. Au
bout de quelques minutes, je regagne le sentier... Victoire. Mac Tarp
et Mac Tourb sont à une centaine de mètres devant moi.
Il me faut fournir un dernier effort. J'arrive à leur niveau.
Je suis éreinté, crevé. Je manque de me casser
la figure à plusieurs reprises. Le terrain est glissant. Je
suis trempé. La buée et les gouttes d'eau s'accumulent
sur mes lunettes. Mais nous avons atteint le col.
Il est presque 17h. Il nous reste un
peu moins de 10 kilomètres à parcourir pour rejoindre
Craig, de la descente principalement. Mais nous en avons encore
certainement pour quelques heures... Nous ne sommes pas au bout de
nos peines et il pleut... Doucement, mais continuellement... Nous
nous arrêtons un court instant au sommet du col. J'ai juste le
temps de manger une barre de céréale et de me rouler
une cigarette.
Mac Midges égaye le début
de cette longue descente. Il se lance dans une bluffante et hilarante
imitation du père Fouras. C'est plutôt réussi. Il
s'approprie des phrases du topoguide et les transforme sans
difficulté en absurdes énigmes. Le nain y joue un rôle
prépondérant, il revient comme un leitmotiv. Il est
l'interprète d'une nouvelle gestuelle, d'un art de vivre, d'un
concept presque philosophique : il se démène sur
le promontoire. Mac Midges dispose d'un réel talent pour les
imitations comiques. Avant hier, au Bed and breakfast, il s'est lancé
en fin de soirée dans une lecture du topoguide en empruntant
la voix de Gimli, le nain. Le spectacle était tout aussi
plaisant. Les intonations russes, la voix roque, saillante et dure.
Un texte des plus invraisemblables... Le mélange est explosif,
un petit joyau burlesque...
La brève improvisation nous fait
le plus grand bien. Nous continuons notre descente pour atteindre la
vallée où coule une rivière longée par
une large piste carrossable. Au bout de 40 minutes, nous rejoignons
le cours d'eau. Impossible de le franchir à gué. Nous
retrouvons un système identique à celui de ce matin :
le pont à 2 cordes. La traversée semble cependant plus
complexe que la précédente. La distance à
parcourir sur l'ouvrage est plus longue... Chacun y va de sa propre
technique. Mac Tourb la joue, à l'aise. Il prend des photos,
en équilibre précaire sur le fil. Mac Fire et Mac
Midges manquent de tomber à l'eau, leurs sacs effleurant la
rivière en surface. Nic Zubrowka, n'est pas vraiment rassurée,
mais elle franchit l'obstacle sans encombre. Pour pimenter la chose,
Mac Tourb fait pression sur la corde alors que je traverse.
L'intervention fausse ma perception de l'équilibre en
présence... Mac Fourb, ton heure viendra !!
Nous poursuivons notre marche sur la
piste qui longe la rivière. La pluie se fait plus présente,
plus intense. Nous ne sommes pourtant pas encore arrivés :
il nous reste 4 ou 5 km à parcourir, selon le topoguide.
C'est long, mais nous avançons désormais à bonne
allure, sur terrain plat ou en dénivelé négatif...
Nous rejoignons finalement l'A890 qui mène à Craig. Il est 19h passé de quelques minutes. Aucune envie de monter la tente sous la pluie, de s'établir sur un sol détrempé et de combattre les midges. L'avis est unanime. Le topoguide fait mention du légendaire hôtel de Gerry... Il s'agit là d'une belle et mystérieuse opportunité. Une fois de plus, le livre aiguise notre curiosité... Encore une énigme. En quoi cet établissement est-il légendaire ? Le club des 6 se doit de le découvrir...
La bâtisse ne paye pas de mine.
De l'extérieur, elle s'apparente davantage à un gîte
qu'à un hôtel. Nous frappons à la porte. Un homme
d'une bonne trentaine d'années vient nous ouvrir. Il parle
français. Il parle très bien français. C'est
super appréciable. Il est suisse et il est très sympa.
L'affaire est rapidement conclue...
Nous pénétrons dans le
salon de l'établissement. Des canapés moelleux, une
petite table basse, un feu de cheminée. Il fait bon,
l'atmosphère est douce et chaleureuse. Un vieux vinyle tourne
sur une platine au fond de la pièce. Cet hôtel est
magique... Légendaire, je ne sais pas... Mais on s'y sent
vraiment bien... Comme si l'on retrouvait un lieu familier après
un long et éreintant voyage. Un havre de paix qui renvoie au
calme, à l'apaisement : idéal pour se ressourcer le
temps d'un bref séjour. Le gîte m'évoque la
famille, les moments joyeux et conviviaux. Un endroit rêvé
où séjourner durant les fêtes de fin d'année
en mangeant de succulents produits, en buvant de délicieux
vins et en passant de bonnes et longues nuits réparatrices. Ce
site a une âme.
Je discute un peu avec notre hôte.
En fait, il n'est pas Gerry. Gerry est le patron de l'hôtel.
Lui, il s'occupe de la logistique. Il est journaliste. Il partage son
temps entre la gestion de l'établissement et l'écriture.
Plutôt sympa comme mode de vie. Il semble vraiment épanoui
dans ce qu'il fait. C'en est même quelque peu déroutant.
Il déborde de bonheur. Il m'indique qu'il part souvent
contempler la rivière le soir. Nous entrons dans la période
où le saumon commence à remonter les cours d'eau. C'est
un magnifique spectacle. Il y assiste volontiers et régulièrement
au coucher du soleil. Il y a quelques jours, il a aperçu une
biche et un cerf qui venaient s'abreuver ensemble au niveau du
ruisseau. C'est aussi la saison des amours. Je suis captivé
par son récit. Je prends un peu de recul. Ne serait-il pas en
train de me faire un remake de Brokeback mountain ? Non, j'en
doute. Il est juste heureux et passionné.
Je mets un terme à notre
échange. J'ai tout un tas de choses à faire... Comme
prendre une bonne douche par exemple. Ma liste de tâches
accomplie, je profite un bref instant du feu de bois dans le salon.
Mes coéquipiers ont eu le même réflexe. Je
propose un verre d'anisette à ces derniers. Il n'y en aura pas
pour tout le monde, mais la petite bouteille aura tout de même
pleinement joué son rôle durant tout le trek. Sur ma
lancée, je soumets l'idée de mettre à profit du
groupe mes talents de cuisinier révélés hier. Ma
proposition fait mouche... C'est notre dernier soir. Nous devons
écouler les stocks. Je rassemble
toutes
les vivres. Je prévois de faire un plat magistral. Un
mélange de saveurs... Une tuerie culinaire...
D'un pas décidé, j'entre
dans la cuisine de l'établissement. Il y a tout ce qu'il faut
pour que j'exprime à loisir mon nouveau talent. Je m'empare
d'un gros fait-tout. Je prends des pâtes que je fais chauffer.
Je rajoute des lentilles, de l'huile, du romarin, des herbes de
Provence,
de l'ail déshydraté, du sel, du poivre... Je suis au
sommet de mon art. What else ? Tiens… des boîtes de
sardines au vin blanc, du maquereau à la moutarde, des
sardines à la tomate... Mon plat gastronomique prend forme...
Un fumet doux et envoûtant
se répand
dans la pièce. Je suis en train de révolutionner
l'art culinaire, c'est certain... Après la cuisine
moléculaire, la cuisine qui n'en avait pas l'air... La touche
finale, le secret du chef, la botte secrète : un peu de
fromage écossais subtilement incorporé...
Certainement subjugué, voire
hypnotisé par l'irrésistible fragrance de mon oeuvre,
notre hôte entre dans la cuisine... Il ne laisse rien paraître.
Mais au fond de lui, je suis persuadé qu'il meurt d'envie que
je lui propose de manger avec nous... Lui accordera-t-on ce
privilège ? Je ne suis pas seul à pouvoir en
décider. D'un naturel peut-être un peu timide, il n'ose
cependant m'en faire directement la demande. Il m'indique qu'il peut
nous ramener quelques bières. Et que nous pourrons le
rejoindre après manger pour boire quelques whiskys en
compagnie de Gerry. Gerry est occupé pour l'instant, mais nous
pourrons le voir tout à l'heure...
Ce Gerry est énigmatique. Il
revient dans toutes les discussions, mais jusqu'à présent,
nous ne l'avons pas croisé. Son omniprésence est
louche. Étrangement, je ne suis pas le seul à m'en
faire la réflexion. Gerry existe-t-il vraiment ? Le
légendaire hôtel de Gerry... Je creuse... Mais oui, bien
sûr... Gerry est fictif, Gerry est un personnage de légende.
Ce n'est pas l'hôtel qui est légendaire, mais son
propriétaire... Encore une vilaine interprétation de
google trad... Voilà ce que nous aurions dû lire :
l'hôtel du légendaire Gerry... Gerry : une croyance
populaire locale qui régit les comportements au sein de ce
lieu... Gerry est une petite marionnette qui a envoûté
quelques personnes, dont le maître de maison... Après
réflexion, tout cela est de plus en plus plausible. Notre
hôte, qui déborde de bonheur, qui suinte la sympathie et
pour qui la paix intérieure n'a plus de secrets, est la triste
victime d'une lobotomie savamment orchestrée par Gerry le
vilain pantin... Tout est clair désormais. Le charmant petit
salon, le feu de bois, le coucher du soleil, les saumons qui
remontent la rivière... Une vaste supercherie...
Des deux mains, j'empoigne le fait-tout
qui pèse bien ses 5 kilos... Classe et distinction m'habitent
lorsque je dispose mon œuvre au centre de la table... Un silence
solennel et de circonstance s'installe soudainement... N'étant
pas coutumier de ce type de cérémonial qui accompagne
les grands moments, je décide de mettre un terme à mon
embarras en brisant la glace. J'invite les bienheureux convives à
se servir...
Le silence se poursuit... Cela devient
gênant... Point trop de mise en scène, s'il vous plaît.
Les premiers qualificatifs arrivent enfin : copieux, compact...
J'attends la suite... Les mots : extraordinaire, subtil, raffiné
ont apparemment du mal à sortir... Ils sont remplacés
par : tambouille, ça cale, tu veux finir mon assiette ?
Je me fais une raison. Je suis un pionnier, un précurseur...
Le 21e siècle n'est pas encore prêt. Je suis en avance
sur mon temps. Je dois renoncer à l'exercice de mon talent...
Bon... Avouons-le... Mon plat est
insipide et pâteux... Il sera pourtant totalement englouti...
Nous avons parcouru 25 kms aujourd'hui... Simple relation de
cause à effet. Les bières apportées par notre
hôte tombent à point... Breuvage idéal pour
digérer un mets délicat. Nous nous projetons sur la
journée de demain. Mac Fire n'a plus envie de marcher, il
souhaite visiter un peu l'Écosse. Il veut profiter du séjour
d'une autre manière. J'espère que ma cuisine n'y est
pour rien... Au matin, il rejoindra la gare située à
une heure et demie de marche à pied en suivant la route. Mac
Midges l'accompagnera. Ils réserveront une auberge de jeunesse
à Inverness en arrivant. C'est dommage, mais nous respectons
leur choix. Mac Tourb et Mac Tarp, quant à eux, ont envie de
randonner à la fraîche, de parcourir les Highlands au
lever du soleil. Ils suggèrent de partir vers 5h du matin,
levé 4h... Nic Zubrowka est un tantinet réticente. Je
dois avouer que je suis surpris par leur proposition. D'un commun
accord, nous déclinons...
Trois binômes... Il s'agira de la
bonne formule pour demain... Nous en revenons à nos débuts...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire