Aujourd’hui,
nous avons prévu de parcourir une étape et demie. Il
nous faut dépasser le refuge de Prati, y récupérer
Virginie, puis descendre vers Castel di Vergio pour dresser notre
campement. Nous longeons les crêtes une bonne partie de la
journée. Les passages sont parfois délicats. Nous
évoluons à plusieurs reprises sur d’immenses éboulis
de roche où les blocs qui s’entassent de manière
chaotique trouvent, malgré tout, une certaine stabilité
établie par la gravité et les forces en présence :
équilibre physique complexe se traduisant par une équation
mathématique naturellement insoluble.
Je
dois contacter Virginie… Est-elle bien en Corse ? En route
pour Castel di Vergio ? À quelle heure pense-t-elle
rejoindre le refuge de Prati ? Pourra-t-elle le localiser ?
Et s’il y a un problème, un imprévu, pourra-t-elle me
téléphoner ? Au détour d’un chemin, je
récupère 1 barre de réseau sur mon portable. Je
ne bouge pas d’un pouce. J’appelle. Ça sonne. Je réussis
à l’avoir. Tout va bien. Elle est en train de rejoindre
Castel di Vergio. Elle nous attendra au refuge de Prati qu’elle
devrait atteindre en milieu d’après-midi.
Vivement
les retrouvailles ! Le coup de fil passé me renvoie à
celui que Ludo a reçu avant hier. Sa compagne, Sophie, n'a pas
pu prendre son bateau à Ajaccio, comme prévu. Elle l'a
loupé à 5 minutes près. Le timing était
serré, très serré. Nous lui avons fait perdre un
temps précieux au matin : quelques courses, un arrêt
au bureau de tabac, une erreur d'aiguillage pour rejoindre Conca,
l'oubli des bâtons de randonnée dans la voiture. Sophie
travaillait le lendemain. Elle a pris le bateau suivant et s’en est
allée directement au boulot... On s'est tous senti un peu
coupable. Ludo l'avait un peu mauvaise, il semblait contrarié.
Il ne nous reprocha pas pour autant la genèse de ces
événements qui vinrent faire obstacle à ce qui
était prévu... Un concours de circonstances,
signifia-t-il.
Nous
croisons le chemin d’un troupeau composé de quelques
vaches accompagnées de leurs veaux. Elles sont paisiblement
installées sur le sentier. Elles ne bougent pas d’un pouce.
Nous devons tout de même traverser. Nous passons. Quelques-unes
se hissent doucement sur leurs pattes, et s’éloignent
tranquillement de quelques mètres. Les autres restent
voluptueusement allongées.
Le
midi, nous mangeons rapidement, en haut de la crête. Le vent se
lève. On se refroidit vite.
À
16h, nous regagnons le refuge de Prati. Nous récupérons
Virginie. Ce n'est pas une illusion. Elle est là, le sourire
aux lèvres, visiblement contente de venir rejoindre notre
groupe. Nous sommes tout aussi heureux de la retrouver. Une présence
féminine est la bienvenue. Elle a également ramené
quelques denrées qui sont naturellement bien accueillies.
Après
une petite pause « retrouvailles » à
Prati, nous nous mettons en route pour Castel di Vergio. Je me prends
une bonne « trale » dans un sous-bois. Je viens
de craquer mon short. Il ne m’en reste qu'un pour le reste du
séjour… J’entretiens l’espoir d’un avenir meilleur
pour cette seconde tenue. Je n’envisage pas vraiment de finir le GR
20 en caleçon…
Nous
arrivons à Castel di Vergio. C’est Byzance. Eau chaude, bar,
restaurant, emplacements spacieux… Le 3 étoiles du GR. Je
profite longuement de la douche et de l’apéro. Les nouveaux
arrivants enrichissent notre quotidien et nos conversations. Le soir,
nous discutons avec deux randonneurs d’une petite cinquantaine
d’années. C’est la troisième fois qu’ils font le
GR. C’est presque devenu une habitude. Pour varier, ils ont
entrepris de le faire du sud vers le nord, cette année. Ils
vont vite. Ils ont un très bon rythme. Ce sont des machines de
guerre. Des hommes taillés pour la marche. Ils ne rigolent
pas. On ne badine pas avec le GR. On le gravit, on l’affronte et on
l’arpente fièrement… L’un d’eux nous montre une photo
de lui, l’année passée. Il a la moitié du
corps recouvert de glace. Non, ce n’est pas un homme-tronc à
qui l’on aurait greffé des jambes. Il a juste traversé
un névé… Tout simplement…
Philippe
souffre des lombaires. Il est à peine remis de sa sciatique.
Il hésite à poursuivre l’aventure. La nuit porte
conseil. Nous mangeons goulûment et tombons délibérément
dans les bras de Morphée.
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