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JOUR 2 : Hitch-Hiking : Faster than foot or bike

Réveillé à 6h30 par un soleil radieux, je saute du lit pour rejoindre la douche. Motivé par la perspective de ce magnifique séjour, je pars faire quelques courses à la supérette pour notre petit déjeuner. Bien entendu, j'ai pris soin d’enfiler quelques vêtements en sortant de la salle de bains. J'achète une brique de lait de 2 litres comme dans les films aux états unis, une brique de jus d’orange, quelques pains moelleux à souhait et le classique pot de nutella. Rentré à l’appart, je commence à préparer le repas avec Nic Zubrowka. Nous nous lançons dans la réalisation de pancakes. Nos coéquipiers se réveillent un à un. Nous prenons un copieux petit déjeuner ponctué par les entrées et sorties de douche des uns et des autres. Nous reconditionnons les sacs et quittons le logement après avoir vivement remercié notre hôte.


Direction la pharmacie : nous devons acheter du répulsif anti midges (moustique local), des moustiquaires de tête (second moyen de lutte contre les nuisibles endémiques) et des compeed. Mac Tarp et son look singulier ne passent pas inaperçus. Nous débarquons à 6 dans la boutique avec nos gros sacs de randonnée. Je tente une blague sur Mac Tarp auprès de la pharmacienne : Don’t be afraid, it’s not a tree or an ent, it’s a real human being… Elle sourit. Nous prenons les compeed et les répulsifs. Ils n’ont pas de moustiquaire. Tant pis, nous trouverons ça un peu plus loin sur notre route…

Nous arrivons au supermarché. Nous devons maintenant acheter les vivres qui nous permettront de tenir durant ces 7 jours… Au début, nous partons sur des courses en commun. Il s’avère que je suis un gros mangeur. Mes coéquipiers semblent un peu affolés par ma vision des quantités à prévoir… Je suis conscient de ce que je suis en train de leur imposer. À 6, il n’est pas forcément aisé de se mettre d’accord. Je leur propose de faire mes achats en solo. Je préfère porter 3 kilos de bouffe en plus plutôt que de me sentir rationné tout au long du séjour. Au rayon alcool, j'aperçois, dissimulée entre les 50 variétés de Whisky, une bouteille d’anisette… Espérons qu’elle attire le soleil de Marseille… Nic Zubrowka se procurera, quant à elle, une bouteille de Zubrowka. Elle se coltinera son fardeau durant tout le trek, pseudonyme tout trouvé … Nous reconditionnons les sacs. Je soupèse le mien : à vue d'œil, son poids avoisine les 20 kilos… À nous deux !! 

Trois binômes : Il s’agit de la bonne formule… Mac Fire et Mac Midges, Mac Tarp et Mac Tourb, Nic Zubrowka et Mac Broken Glasses. À 3h15 de route, au nord-ouest, se trouve Glenfinnan, point de départ de notre randonnée et petit village touristique des Highlands. Scotland express, Let's go. Nic Zubrowka et moi décampons en premier… We are Competitors. Nous quittons le supermarché et commençons à marcher en direction de Stirling. Au loin, nous distinguons Mac Midges et Mac Fire. Ils sont en train de nous rattraper! Ils s’arrêtent au niveau d’un parking qui dessert semble-t-il un parcours de golf. Nous continuons notre chemin et trouvons un spot acceptable à environ 1 km de ce dernier. Nous patientions depuis 30 min… Rien… Il y a pourtant pas mal de voitures, mais pas une touche à l’horizon… Nous pensons à nos partenaires. Mac Tarp, comment vit-il ce moment ? A-t-il gardé sa Go pro et son bob ? En a-t-il fait un atout ? Ont-ils décidé de la jouer en mode Pékin express : « Yes, it's a TV show… You see the camera ?? We must go to Glennfinan… Please help my team, we are competitors!! » Au bout de 45 min, le miracle se produit, un vieux Van s’arrête au bord de la route… Yes, il va lui aussi à Stirling : en voiture Simone !!

Le chauffeur est sympa, j’arrive à peu près à décrypter ses paroles. Il nous dépose en périphérie de Stirling, au niveau du parking d’un supermarché. Nous descendons du camion et le remercions… 30 secondes après qu’il ait quitté l'aire de stationnement, nous nous rendons compte que Nic Zubrowka a oublié l’itinéraire du stop et de la randonnée dans le Van… Bullshit … Je fulmine, je boue intérieurement. Passés quelques instants, je prends sur moi. Nous n’avions qu’un exemplaire du trek pour 6. Essayons de rattraper notre chauffeur. D’après moi, il n’est pas bien loin. Nous n’avons qu'une infime chance de le retrouver, mais nous retournons sur nos pas, scrutant l’horizon à la recherche de son véhicule. Après 10 minutes de marche dans ce qui nous semble être la bonne direction, nous laissons tomber. C’est peine perdue. Il nous faudra trouver un cyber café pour imprimer l’itinéraire… Peut être au pub ce soir, à Glenfinnan… C’est le point de rassemblement prévu après cette rude journée… Nous faisons demi-tour. Nous nous installons à proximité d’une station-service, non loin du parking du supermarché… Il commence à pleuvoir. Nous allons connaître un long passage à vide. Les voitures circulent devant nous, mais font semblant de ne pas nous voir. Elles nous ignorent. Nous nous amusons à lister tous les prétextes possibles et inimaginables que les automobilistes sont en train de s’inventer : « Désolé, je viens juste de vous voir et je suis déjà engagé sur la sortie… Désolé, je ne sais pas lire. Je n’arrive donc pas à décrypter votre pancarte… Désolé, mes deux enfants sont insupportables. Vous pourriez regretter de faire le trajet en notre compagnie… Désolé, je suis bourré et je roule sans permis. Je ne souhaite pas vous faire courir de risque… » Nous attendons depuis une heure environ, et rien, rien du tout. Nous décidons d’opter pour une autre stratégie : le spectacle, l’humour, la gaudriole… Nous choisissons des phrases-chocs pour accompagner notre panneau. En stock, nous pensons à : Fort William. Yes, you can… Take this opportunity : Discover Fort William… You have a dream : Fort William… Faster than bike or foot : Hitch hiking… Very good weather at Fort William… For sale : -50% for 2 hitch hikers… Dream becomes reality : A travel to Fort Willliam… Nous testons l’un des slogans… Ça ne marche pas des masses, mais ça a au moins le mérite de nous faire rire et d’en faire rire quelques-uns. Au bout d’une heure et demie, nous commençons à être à court d’idées et d’espoir. Soit ce spot est tout pourri, soit ils ont un problème avec les blonds aux yeux bleus… Dernière et ultime stratégie, nous nous mettons en danger. Je saute sous une voiture, l’obligeant à s’arrêter. Nic Zubrowka, assomme le conducteur d’un coup de tête. Elle me chope au passage et nous partons avec le véhicule. Mon plan ne la séduit pas plus que ça… Dommage, il présageait certainement de quelques chances de réussite. Nous quittons notre QG et commençons à longer le rond-point. On se dirige vers la bretelle de sortie qui débouche sur l’autoroute. C’est pas très secure, mais au moins, nous laissons derrière nous ce vilain endroit. À peine engagé sur la voie d’insertion, un véhicule s’arrête… Alléluia, Allahwarkbah, Viva Espagna !!! Ils ont eu pitié de nous… Nous faisons la connaissance d’un couple d’Écossais tout à fait charmant qui nous dépose au niveau d'un giratoire quelques kilomètres plus loin…


Nous hitch-hikons depuis quelques minutes, lorsque, de nulle part, nous voyons débarquer, Mac Fire et Mac Midges. Quelque part, ça me rassure qu’ils aient réussi à décoller. Alors qu’ils sont sur le point de nous rejoindre, une voiture s’arrête… Un retraité à bord de son van… J’essaye de négocier pour qu’il nous prenne tous les 4, mais les pourparlers échouent… Nous filons sous les yeux médusés de Mac Midges et Mac Fire qui semblent désespérés… Ca me met mal à l’aise, mais c’était ça ou rien… We are competitors, ne l’oublions pas…

Le conducteur est cool, mais j’ai du mal à décoder… Je mise sur de longs silences entrecoupés de quelques échanges succincts. Nous parcourons une bonne distance en sa compagnie. Le paysage est somptueux, magnifique, je m’en délecte. À la sortie de Callander, nous apercevons Mac Tarp et Mac Tourb… Le duo de choc… Le pouce levé vers le ciel, ils semblent malgré tout un peu abattus. Nous prenons la tête de la course… Je dispose cependant, il faut l’avouer, d’un avantage non négligeable sur mes coéquipiers : une partenaire féminine. Et pas n’importe laquelle, il s’agit tout de même de Nic Zubrowka. Point fort : un atout pour le stop, Point faible : elle égare avec habilité les documents importants... Mais cela reste un détail, prenons le comme le petit piment, comme l'ingrédient qu'il fallait intégrer à la recette pour la production d'un délicieux plat relevé.

Notre chauffeur nous dépose à un embranchement entre 2 voies, au milieu de nulle part. Une chose est sûre, on ne sait pas exactement où l’on est, mais nous sommes dans la bonne direction. Après avoir attendu seulement quelques minutes, une voiture s’immobilise sous nos yeux ébahis… La chance finirait-elle par nous sourire ?

Le jeune couple, venu tout droit de Londres, arrive à notre hauteur. Le chauffeur est d’origine écossaise, son amie est polonaise. Ils sont super sympas. La fille discute beaucoup ; elle est pleine d’humour. Je lui indique avoir lu sur internet que l’autostop marchait très bien en Écosse. Et pourtant aujourd’hui, nous avons quand même galéré ; la journée ayant très certainement été pire encore pour nos partenaires. Elle nous parle d’un trek : The West Highland Way. J'en ai déjà entendu parlé. Mais nous avons préféré choisir The Cape Wrath Trail, car le premier itinéraire est très pratiqué en été… Je l’ai également lu sur internet. Nous passons devant le parking desservant le West Highland Way. Il n’y a que deux voitures. C’est ça que tu appelles trop fréquenté, me dit-elle ? Décidément, les informations que j’ai glanées sur la toile ne semblent pas vraiment pertinentes... Ton moteur de recherche serait-il Yahoo search ? La question est moqueuse. Elle nous demande ensuite, si l’on fait la course avec nos coéquipiers. En plaisantant, je lui indique que nous avons pris la tête de l'étape sans difficulté… Tant que nous gagnons, nous faisons effectivement la course… Si jamais nous perdons alors il ne s’agira plus d’une compétition, ce sera juste pour le fun… Elle sourit. D’après elle, ma réplique est typiquement française. Elle illustre assez bien notre état d’esprit… Le Français serait-il vantard et mauvais joueur ? C’est ce qu’elle a l’air d’insinuer. Elle part dans une imitation plutôt réussie du Français qui se la pète… Ensuite, ce sont les Écossais qui en prennent pour leur grade. Puis, elle évoque le Haggis et l’incontournable Ben Nevis, fierté nationale, challenge local du randonneur écossais aguerri… Petite montagne redoutable de 1 344 m… Bizarrement, le peuple polonais ne fera pas l’objet de railleries aussi facilement distillées… Nous plaisantons agréablement tout au long du trajet. Je fais de gros efforts de concentration depuis ce matin pour parler et comprendre l’anglais, j’ai la tête comme une pastèque. Sur la route, le paysage est de plus en plus magnifique. Je reste bouche bée à plusieurs reprises. Nos charmants automobilistes nous déposent finalement à quelques kilomètres de Fort William. Nous les remercions et tendons à nouveau le pouce vers le haut…

Très rapidement, un camping-car s’arrête à notre niveau. Un jeune couple de hippies nous propose de tracer la route en leur compagnie. Certes, l’étiquette est facile à coller et parfois les apparences sont trompeuses, mais là, un certain nombre d’indices trahissent une appartenance clairement revendiquée. Nous poursuivons donc notre trajet en direction de Fort William en compagnie de John Lennon et Yoko Ono.

Fort William. C’est à cet instant que le déclic s’opère en moi. Je ne sais pas vraiment comment le traduire. Je ressens quelque chose de spécial. D’un seul coup, j’ai l’impression d’avoir parcouru des milliers de kilomètres. J’ai l’impression d’être dans l’émission Thalassa ou Des Racines et des Ailes. Je m’attends à croiser Georges Pernoud à chaque coin de rue, en plein tournage. J’imagine le jingle présentation : « Nous vous emmènerons en Écosse, dans les confins des Highlands, à Fort William… Petite cité de caractère, plantée sur les rives du Loch Linnhe. Elle est le témoignage d’une Écosse contrastée, siège d’un patrimoine riche et pittoresque. Nous vous ferons partager son climat rude et capricieux, sévissant sur ce décor presque nordique. Nous partagerons sa culture, son art de vivre, ses coutumes, son histoire au côté de John, authentique pêcheur de saumon qui risque chaque jour sa vie à bord de son chalutier et de Mary, sa femme qui gère ses quatre enfants et le pub familial en véritable maîtresse de maison… »

Oui, Fort William déclenche en moi comme une vague d’euphorie, d’exotisme et de bien-être… Nous y achetons deux bouteilles de gaz, 4 moustiquaires de tête et un tapis de sol pour Mac Fire. Il l'a oublié dans le train lorsque nous sommes descendus précipitamment à Falkirk. Nous cherchons désespérément un commerce qui accepterait d’imprimer l’itinéraire perdu. Ils se renvoient la balle et nous font bringuebaler de droite à gauche. Nos tentatives échouent les unes après les autres. Il n’est pas loin de 19h et nos chances de réussite s’amenuisent. Quelque peu désappointés, nous misons sur un pub chaleureux à Glenfinnan. Par un heureux hasard, peut-être disposeront-ils d’une connexion internet et d’une imprimante…

Nous décidons résolument de quitter Fort William pour rejoindre Glenfinnan. Sur la route, j’appelle Mac Midges, pour faire le point. Ils sont tombés sur Mac Tarp et Mac Tourb. Ils galèrent. Ils sont toujours à Callender… La poisse. J’ai quelque peu l’impression d’être responsable de cette situation. J’ai délibérément proposé l’option stop en pensant qu’il s’agissait de la meilleure solution technico-économique. Mais ce n’est pas une science exacte et cela risque de compromettre le début de notre aventure collective. Le quatuor semble abattu. Il faut admettre que leur chance de trouver un véhicule à cette heure tardive est mince, d’autant plus qu’ils se sont regroupés. Ils envisagent de dormir à Callender ce soir… Bullshit… Mac Midges m’annonce qu’ils ont eux aussi acheté, des bonbonnes de gaz, des moustiquaires et un matelas pour Mac Fire… Double bullshit. Nous avons fait séparément les mêmes achats. Je me rends compte que les messages que je lui avais adressés au cours de la journée par Whatsapp ne lui sont pas parvenus, d’où le doublon… Ça commence à faire beaucoup.


En quittant Fort William, nous nous égarons. Nous empruntons la mauvaise voie. Nous croisons une famille qui vient spontanément nous remettre dans le droit chemin. Ils sont sympathiques ces Écossais, naturellement altruistes, grandeur d’âme en voie de disparition dans nos sociétés cloisonnées. Nous les remercions. Nous commençons à être fatigués. Nous hésitons à nous poser, trouver un bed and breakfast à Fort William et reprendre la route le lendemain. Nos coéquipiers sont loin derrière nous. Et de toute façon, il faudra les attendre. Alors que nous sommes sur le point de renoncer, un camping-car s’arrête. Il nous avance de 2 kilomètres… C’est déjà ça.

Nous nous retrouvons en sortie d’un giratoire, à proximité d’un pré parsemé d’une végétation luxuriante… En cas d’échec, je visualise particulièrement bien nos tentes illégalement plantées sur ce sol non surveillé. Je me surprends à envisager cette hypothèse se rapportant aux pratiques des gens du voyage. En soit, notre éventuelle présence dans cette prairie ne constituerait pas forcément une menace pour l’équilibre et la réputation de ce territoire, et nous serions très certainement plus faciles à déloger qu’une famille de gitans. Notre empreinte sur ce pré resterait éphémère. Alors que je suis en train d’associer mentalement ce terrain à une solution potentielle, à un havre de paix salvateur, une voiture s’arrête. Cet anglo-écossais sera notre dernier chauffeur. Nous allons à Glenfinnan. Il ne s’y est jamais rendu. Il ne s’agit pas de sa destination. En bon samaritain, il propose de nous y conduire. C’est trop, mais on accepte… Nous discutons avec lui. Il est très sympathique, presque trop. Il illustre assez fidèlement le flegme anglais. On ressent à son contact un grand apaisement, un relâchement, une absence de tension. Ça en devient louche, limite gênant. C’est tout simplement inhabituel. Il nous dépose à Glenfinnan, devant un magnifique mémorial Jacobite, et fait demi-tour… Opération réussie… Il est 20h.


Glenfinnan, est-ce un village ou un hameau ? La nuance est importante. Nous n’avons visiblement pas traversé le centre bourg… En existe-t-il un ? Nous réfléchissons à un plan d’action. Trouver un hébergement pour ce soir. Un endroit où se poser pour boire une bonne pinte, manger un délicieux repas et passer une agréable nuit…Nous poursuivons notre route vers l’ouest sur quelques centaines de mètres… Rien… Peu ou pas de traces de civilisation. Du moins, rien qui ne ressemble de près ou de loin à une amorce de bourg. Nous rebroussons chemin et rejoignons le mémorial. En voiture, j’ai repéré à quelques dizaines de mètres en contrebas le point de départ de notre trek. Nous nous en approchons. En face, une route et des pancartes. Il y a visiblement un hôtel et un bed and breakfast à proximité. L’un des 2 affiche complet : no vacancies. Nous tentons tout de même. Tout en marchant, je passe un coup de fil à Mac Midges. Ils ont trouvé une voiture pour 4. Il s’agit d’un automobiliste bienveillant mandaté par un des dieux des Highlands : un dieu chargé de mission trekking qui mobilise ses anges pour accompagner et aider les randonneurs égarés… Version revisitée d’une mythologie pragmatique au 21e siècle. Bref, ce représentant de la haute autorité divine se rend à Fort William. Il fait le trajet en 2 fois. Il a prévu de camper à quelques kilomètres de Fort William ce soir et reprend la route demain matin… Une aubaine !!! Ça fait plaisir. La situation se décante enfin. Depuis le chemin que nous arpentons, nous apercevons 2 tentes perchées sur une colline. Le spot semble être légalisé. Au pire, il peut s’agir d’un plan B…


Nous arrivons devant un hôtel. Il paraît particulièrement guindé et blindé, mais il demeure visiblement accessible à la viande saoule. Un mâle en kilt nous aguiche au niveau du sas d’entrée. Il sent bon le houblon, la testostérone, le fric et la vulgarité. Un mélange détonnant que je n’apprécie guère. Nous rentrons dans l’hôtel. Un magnifique feu de bois réchauffe et illumine le salon. L'établissement affiche complet. Que faire ? Le bar ouvert… Que faire ? Nous nous dirigeons vers ce dernier, accompagné de l’hôtesse qui nous a accueilli. Il faut payer pour accéder au comptoir… Ok… 10 livres... Ok. Ça fait mal au c…, mais nous sommes de riches occidentaux assoiffés. Qu’à cela ne tienne. Une fois les 10 livres réglées, il faut encore débourser pour consommer. C’est quoi cet hôtel ? 2 pintes… 8 livres. Quelle bande d’enculeurs de moutons ! Ça m’énerve passablement, d’autant plus que nous semblons être les seuls à s’être acquitté des droits d’entrée. 25 euros les 2 pintes, c’est quand même un peu du foutage de gueule. Nic Zubrowka a mal à la tête. La journée a filé à toute allure. Nous étions à fond dedans. Je me rends compte que nous n’avons pas bu une goutte d’eau depuis ce matin. Nous n’avons pas non plus mangé depuis le petit-déj… Ceci explique peut-être cela ? Nous dégustons amèrement nos pintes dans ce simili pub réservé à un public que je déteste déjà… J’aperçois les regards jugeants, ceux d’une catégorie sociale différente, qui est en train de coller des étiquettes sur nos fronts. Bande de nazes… Reproduisez-vous entre vous et passez votre chemin. Cet hôtel pue la merde. Cassons-nous… Salut les connards !

Nous optons pour le plan B. Arrivés au sommet de la colline, nous nous faisons dévorer par les midges. Ils sont l’une des traductions animales de cette nature hostile. Microscopiques, mais terriblement efficaces. Ils nous assaillent de toute part alors que nous tentons désespérément de monter nos tentes. Va-t-on succomber maintenant, mort d’épuisement, au milieu des Highlands ? Fin stupide, je vous l'accorde… Mais, y a-t-il des morts intelligentes ? Peut-être ? Mais elles sont préméditées ou programmées… Il conviendrait, dès lors, de faire de ces derniers instants des moments mémorables. Bref, la question n’est pas là. Nous sortons les moustiquaires de tête que nous avons dégottées à bon prix, à Fort William. Les mailles semblent larges pour ces petits insectes, trop larges. Alors que je m’apprête à enfiler le magnifique filet en guise de couvre-chef, mes lunettes tombent au sol. Je les récupère. Il manque une branche. Elle s’est détachée de la monture. Impossible de la refixer. J'ai perdu une vis. Elle est là, quelque part dans les Highlands, enfouie dans les hautes herbes, aussi subtilement dissimulée qu’un minuscule coquillage sur une plage de sable fin. Je commence à craquer. Cette journée est puissante, bien puissante. Après tout, je ne suis plus à ça près… C’est l’aventure, non ? C’est ce que j’étais venu chercher, non ? Je suis servi, non ? Je continue à monter ma tente, la moustiquaire sur la tête et mes lunettes quelque part à l’intérieur de cette dernière. Les midges me dévorent. Ils passent très habilement à travers les mailles du filet. J’ai envie d’exploser.

La tente est prête. Mon matelas est gonflé. Mon duvet est installé. Je me glisse sous la toile en me frappant le visage pour tuer les vilains insectes. Sauvé. Soulagé. Crevé. Nic Zubrowka a fait de même. Je mange un bout de pain accompagné de quelques bouchées de chorizo. J’offre un petit morceau de la maigre pitance à ma soeur avant de lui souhaiter une bonne nuit. Il est 23h. À 23h01, je dors déjà presque profondément.

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