Nous
nous offrons un premier repas au café situé en
contrebas de l’hôtel. Un vrai petit-déj avec du vrai
lait. Je m’étais presque habitué au lait déshydraté.
Le patron nous met en garde. La météo n’est pas
bonne. Ils ont prévu de l’orage. Il nous suggère de
ne pas prendre la route et de rester bien sagement à Vizzavone
pour la journée. Il est sympathique et m’autorise à
rallonger mon chocolat chaud d’une brique de lait, très
subtilement cachée dans la poche mon short.
Nous
n’écoutons pas ses conseils et partons, malgré tout,
en direction du nord, vers le refuge de l’Onda. Aujourd’hui, nous
devons parcourir seulement une étape !! C’est
appréciable. Nous passons non loin de la Cascade aux Anglais
lorsque je me rends compte que j’ai oublié ma casquette à
l’hôtel… Mon cadeau de la fête des pères… Ça
me fait mal au cœur, mais l’établissement est désormais
à 1 heure de marche dernière nous. Tant pis…
Notre ascension durera toute la matinée. Le ciel est couvert, la balade est agréable, le paysage est magnifique. Le début de l'itinéraire est boisé et chaotique. Nous remontons le long d’un cours d’eau sur quelques kilomètres. Plus nous grimpons, plus les perspectives sont minérales, ciselées, découpées. De larges vasques et de nombreuses cascades ponctuent le chemin que nous empruntons. Elles sont tantôt dissimulées, tantôt bien perceptibles. La dernière partie de l’ascension, qui n'en est pas la moins courte, se poursuit au cœur d’un relief plus escarpé, plus monotone, plus linéaire. Notre but, sans cesse plus proche et appréciable sous différents angles, demeure toujours visible, mais semble continuellement inatteignable.
La vue
sur la vallée est magnifique. Des nuages cotonneux colonisent
et imprègnent les massifs alentours. Certains filent, telles
des volutes, portées par le vent, vers le col que nous devons
rejoindre. Je trouve une barrette sur le sentier. Elle est ornée
d’une étoile de paillette imitation diamant. Je suis sûr
qu’elle plaira à ma fille. J’ai perdu sa casquette, mais
je lui ramènerai cette petite broche. La pilule sera plus
facile à avaler, quand bien même elle daignerait y
attacher une certaine importance.
Nous
croisons un groupe de Bretons sur le chemin. Ils ont la cinquantaine.
Ils ont bientôt terminé leur GR. Ils s’arrêtent
à Vizzavone. On tape la discut un moment. Ça fait
toujours du bien de rencontrer des congénères… Ils
nous parlent du cirque de la solitude. Ce dernier marque les esprits.
Il avait marqué le mien, il y a 5-6 ans lors de ma première
itinérance sur le GR. Les Bretons nous laissent. Ils ont un
apéro à prendre. Il ne faut louper le coche. Ils sont
munis d’une bouteille de pastis d’1l. Ils se la trimballent
depuis Calenzana… On est breton ou l'on ne l’est pas… Il passe
le relais en nous offrant le Gwenn ha Du qu’ils ont amené
avec eux… Vince en sera le détenteur. Nous arborons
fièrement notre bannière sur ce territoire également
empreint d’une forte identité culturelle.
Nous
nous arrêtons en début d’après-midi pour
déjeuner en haut du col. Psychologiquement, il est plus facile
de repartir lorsque l’on sait l’ascension derrière soi.
Nous gardons les pieds sur terre, mais avons la tête dans les
nuages. Nous mangeons des nuages. Ces deniers nous dissimulent
parfaitement. On ne voit pas à 4 mètres devant soi. Le
taux d’humidité est important. Nous sortons les K-way et
continuons à déjeuner dans cette atmosphère
irréelle. Les arêtes ciselées du col, la
luminosité toute particulière des lieux, les nappes
d’un brouillard divaguant… Je rencontrerai un Nazgül au
détour du chemin que je ne serai à peine étonné.
La compagnie de l’anneau poursuit sa route vers le Mordor...
Nous
descendons vers le refuge de l’Onda. Progressivement, les nuages se
dissipent laissant place à un soleil radieux.
Nous atteignons
le campement en fin d’après-midi. Il est spacieux. Les
emplacements sont libres, le sol est plat et nous disposons de temps
pour profiter de cette fin de journée… What Else ? Le
bivouac possède tout de même une particularité.
Il est totalement délimité par une barrière en
bois. Pour quelles raisons sommes-nous parqués, comme du
bétail ? Pourquoi les randonneurs se retrouvent-ils dans
un enclos ? Nous apprenons plus tard que cette barricade est
destinée à protéger les campeurs des intrusions
des sangliers et des renards. Ici, nous ne sommes pas chez nous. Nous
empiétons sur un territoire sauvage, où l’humain n’a
pas encore clairement marqué sa supériorité sur
les autres espèces. Ici, nous sommes vulnérables et
nous nous réfugions derrière une barrière. Les
moutons sont dans la bergerie. Nous y passerons une bonne nuit.
Nous
rencontrons Ly. Elle fait, elle aussi, route vers le nord. Elle a le
dessein de terminer le GR. Elle est seule. Sa partenaire a abandonné
le trek. Elle souhaiterait intégrer notre équipe. Nous
lui indiquons qu’il vaut mieux être seule que mal
accompagnée… Malgré tout, elle rejoint notre groupe
le lendemain matin pour poursuivre l'aventure en notre « bonne »
compagnie.
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